John Douglas, le chanteur et guitariste des Trashcan Sinatras, l’un des trésors méconnus de l’indie pop, s’essaie à l’album acoustique en solitaire et nous offre un disque magnifique !
La première fois que l’on a entendu parler des Trashcan Sinatras, on était à la fac. Ce nom, on l’avait croisé plusieurs fois dans les colonnes des Inrocks que l’on lisait alors quasi-religieusement. On se souvient ainsi que leur I’ve Seen Everything, sans doute leur meilleur disque, figurait à la troisième place du « top albums 1993 » proposé par le magazine, juste après Liberation de The Divine Comedy et There’s no one that will take care of you de Palace Brothers (aka Will Oldham). Mais aussi une place au-dessus du fameux So Tonight I Might See de Mazzy Star. C’est dire le niveau des débats indie pop cette année-là.
Pour autant, les Trashcan Sinatras ne sont jamais parvenus à s’extraire d’une certaine confidentialité, en dépit du culte que vouent au groupe quelques fans sans doute encore émus par l’intro renversante de Easy Read, le morceau qui ouvre I’ve Seen Everything. Inutile de dire que le premier album solo de John Douglas, guitariste et chanteur du groupe, ne changera pas grand-chose à la faible notoriété des Trashcan Sinatras. Ceci étant dit, cet album éponyme n’a pas été conçu dans l’espoir de conquérir les charts internationaux. Les onze chansons de John Douglas ont été enregistrées à Glasgow sans aucun artifice, dans les conditions du live. Seul et simplement accompagné d’une guitare acoustique, John Douglas réinterprète certaines chansons de son groupe.
Ainsi, des titres tels que les extraordinaires Weightlifting et Leave Me Alone se voient débarrassés de leurs arrangements pop et se présentent dans une nudité qui révèle pleinement toute leur grâce et la justesse de leurs paroles. Douglas nous propose aussi quelques titres inédits, parmi lesquels Lost, qui ouvre le disque et qui est sans doute l’une des plus belles chansons entendues cette année. Le chanteur nous offre aussi une magnifique reprise de We Let The Stars Go de Prefab Sprout.
Ces onze titres empreints de mélancolie et d’humilité rappellent un peu l’un des récents disques de Joe Pernice, autre grand songwriter trop peu reconnu. Sur Richard, paru en 2020, Pernice s’était lui aussi mis à nu musicalement. Et les deux disques partagent une même atmosphère, une même grâce. Et en les écoutant, on se dit que le choix de l’acoustique, que l’on devrait réserver aux plus grands, leur est sans doute imposé par une scandaleuse faute de moyens. Mais de cette nécessité, ces artistes savent tirer le meilleur. Et si l’album de John Douglas ne rencontre pas dans les semaines à venir l’écho et le succès qu’il mérite, on sait quant à nous qu’il sera l’un de ces disques qui, loin des modes et des coups de cœur éphémères, s’imposera dans notre discothèque, où il sera classé parmi les albums dont on ne se lassera jamais.
Grégory Seyer