Même si la concurrence était rude hier soir à Paris pour les amoureux de Rock Indie, le jeune quatuor de Coach Party a brillamment affirmé sa différence, dans un mélange acéré de sucre et de venin.
Ce mois de novembre parisien s’annonce riche en dilemmes insolubles, et ce soir nous fait regretter que le clonage humain ne soit pas déjà opérationnel : comment choisir entre le retour des Kills, le shoegaze de BDRMM et la virulence pop de Coach Party, trois groupes excellents qui s’adressent grosse modo au même public ? Nous choisissons quant à nous Coach Party, à cause de la très forte impression qu’ils nous ont laissée à Rock en Seine en août dernier, mais il faut reconnaître que peu de gens auront pris la même décision, en dépit du fait que Coach Party ont déjà fait en France la première partie de gens comme QOTSA et… euh… Indochine ! Du coup, le délicieux Café de la Danse ne sera qu’aux trois-quarts rempli pour accueillir les (autres) deux filles de l’île de Wight – celles qui n’ont pas la jambe mouillée – et leurs deux complices.
20h10 : la soirée débute très joliment avec lya!, dans un format duo guitare-batterie assez classiquement indie rock. Rien à redire, la Parisienne Lya Mendes chante très bien d’une voix haute, et ses riffs de guitare font le job. En dépit d’un petit moment de stress dû à un problème technique, le set d’une demi-heure s’avérera tout confort, avec de belles chansons où pointe régulièrement l’émotion. S’il y avait un reproche à faire, ce serait le côté finalement peu surprenant de cette musique, sans doute déjà beaucoup entendue. Les deux derniers morceaux, plus rocks, permettent toutefois de clore joliment cette introduction de bon goût. Une jeune artiste à suivre…
21h15 : quinze minutes de retard pour Coach Party, on commence à s’impatienter, voire à s’inquiéter un peu. Heureusement, dès que le quatuor combatif et souriant entame son set avec Micro Agression, tout est oublié : même si le son n’est pas tout à fait assez fort – le Café de la Danse a des problèmes de voisinage et les groupes semblent y jouer un peu moins fort qu’ailleurs -, cette musique conjugue impeccablement puissance électrique et savoir-faire mélodique. S’il fallait décrire Coach Party à quelqu’un qui ne les aurait pas entendus, disons qu’on est du côté des Breeders avec un ADN de pop anglaise classique : les deux guitares de Joe et Steph font un beau raffut – entre riffs élégants d’un côté et coulées volcaniques de l’autre, tandis que la batterie est martelée sans pitié. Par là-dessus, le chant de Jess étale une couche résistante de sucre candy. Enfin, il ne faut pas oublier parce que ces jeunes gens sont gais et sympathiques (ils nous demanderont même ce que nous, Parisiens, pensons de la Tour Eiffel !!) que leurs textes sont tout sauf anodins, traitant régulièrement de sujets sombres trahissant un profond mal-être existentiel.
Un bel exemple que cette ambigüité légèrement schizophrène est la pancarte scotchée sur un ampli : « The point in life is to see you !!! » (soit « le but de la vie c’est de vous voir… »). Alors que leur chanson What’s the Point In Life clame de manière très noire « I don’t give a fuck, do you? / We’re all gonna die / … / What’s the point in life if we all die? » (« Je n’en ai rien à foutre, pas vous ? / Nous allons tous mourir / … / A quoi ça sert la vie si nous mourons tous ? »), la réponse de Coach Party à leur propre question, c’est que la musique live et la rencontre avec le public donne un véritable sens à tout ça… D’où le sourire permanent sur le visage de Jess, et le plaisir que prennent visiblement les quatre jeunes gens à jouer ensemble…
Avec 17 chansons dont 9 extraites du premier album, Killjoy, sorti en septembre, le set atteindra une heure cinq – sans rappel, on est punks ou on ne l’est pas – ce qui est raisonnable pour un groupe encore en début de carrière. Débutant fort avec Micro Agression, il passera par une période juste un poil moins emballante, même si le bien connu Can’t Talk, Won’t (« And when I laugh I start to cry / Someone bury me I’m dead inside / Don’t think I will survive » – Et quand je ris, je me mets à pleurer / Que quelqu’un m’enterre, je suis morte intérieurement / Je ne pense pas que je survivrai) réveillera les ardeurs d’un public très acquis au groupe.
Mais à partir de Everybody Hates Me – avec son refrain d’une honnêteté terrassante (« Everybody hates me / I’m boring and unhappy / I really like affection / I’m jealous and controlling » – Tout le monde me déteste / Je suis ennuyeuse et malheureuse / J’aime vraiment l’affection / Je suis jalouse et j’aime tout contrôler) – et July, Coach Party montent nettement d’un cran en termes de puissance déployée. Toute la dernière partie atteindra une intensité magnifique : sur un Breakdown magistral, la pop music qui restait un peu sage de Coach Party se déconstruit… pour notre plus grand plaisir ! Le final est même réellement grandiose avec le déjà classique Feel Like A Girl, irrésistible chanson de haine des comportements toxiques, et le nouveau et très punk Parasite, qui permettent à la petite fosse du Café de la Danse de pogoter dans ce mélange de furie et de gaîté qui qualifie si bien la musique de Coach Party.
Même si nous ne devions pas être plus de 300 dans la salle, nous pouvons affirmer que ce concert proche de la perfection grave encore un peu plus le nom de Coach Party dans nos cœurs.
Photos : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot