« Rentre chez toi, Ricky ! » de Gene Kwak : I’m a loser, baby

Un catcheur gravement blessé au cou et ridiculisé par une vidéo devenue virale s’enfonce dans la dépression et entreprend de retrouver le père qu’il n’a jamais connu… Rentre chez toi, Ricky ! est un premier roman aussi drôle qu’émouvant. Une belle découverte.

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Commençons par un aveu : si Rentre chez toi, Ricky ! n’avait pas été publié par Le Gospel, la jeune maison d’édition d’Adrien Durand, sans doute serions-nous passé à côté du premier roman de Gene Kwak. Mais, parce que l’on suit avec attention le travail de cet éditeur/écrivain avec beaucoup d’intérêt, on a eu la curiosité d’ouvrir ce livre que la quatrième de couverture compare à John Fante, Gus Van Sant et Daniel Clowes ! On connaît pire patronage.

Dès le premières pages du roman, nous faisons la connaissance de Ricky, un jeune catcheur à la renommée grandissante mais dont la carrière va connaître un coup d’arrêt brutal. Un soir de match, son adversaire le blesse gravement au cou et une vidéo amateur, bientôt virale, va le ridiculiser et accélérer sa déchéance. Et lorsque Frankie, sa petite amie lui apprend qu’elle vient d’avorter, Ricky s’enfonce dans la dépression. Il passe ses journées au lit à regarder des séries Netflix, se gave de  malbouffe, ne se lave plus, grossit… Il décide pourtant de se ressaisir et de partir à la recherche de son père, un Natif américain qu’il n’a jamais connu. Sa mère, une hippie pour le moins excentrique, s’impose à ses côtés et entame avec lui un road-trip dans quelques trous paumés du Midwest.

Brièvement résumé, Rentre chez toi, Ricky ! donne l’impression d’être un roman grave et sérieux, dans la lignée de ceux de Willy Vlautin par exemple. Mais si le roman de Gene Kwak propose effectivement une critique assez mordante de la société américain contemporaine, il le fait avec un humour qui lui permet, même dans ses moments les plus sombres, d’éviter une surcharge de pathos. Ricky nous raconte son histoire avec une telle sincérité qu’il est capable de nous émouvoir avant de nous faire sourire aussi facilement quelques paragraphes plus loin. Sa recherche de ses origines le confronte ainsi à des situations parfois totalement burlesques (comme lorsque Ricky et sa mère rencontrent dans un bar un couple échangiste) – mais des situations qui permettent pourtant à Gene Kwak d’aborder des thèmes extrêmement variés. Si l’omniprésence de la pop culture est l’une des questions soulevées par le récit, on peut lire aussi en filigrane une réflexion sur l’identité, la mixité ou la masculinité. Et quel que soit le sujet – qu’il s’agisse de la situation des Natifs américains ou du tube pop Torn de Natalie Imbruglia –, Gene Kwak l’aborde avec un mélange de sérieux et d’humour qui participe grandement à l’originalité du roman.

Enfin, Rentre chez toi, Ricky ! brosse le portrait d’un de ces perdants magnifiques, l’un de ces losers auxquels on s’attache très vite, même s’ils sont parfois franchement minables… Et Ricky évoque effectivement les personnages de Daniel Clowes ou ceux des premiers films de Gus Van Sant. La quatrième de couverture n’est donc pas mensongère et ce serait vraiment dommage de passer à côté de ce très bon premier roman.

Grégory Seyer

Rentre Chez toi, Ricky !
Roman de Gene Kwak
Éditions Le Gospel
Traduction : Alice Butterlin
256 pages – 20 €
Date de parution : 27 octobre 2023