Petit film très ambitieux de SF horrifique conceptuelle, Traquée (No One Will Save You) commence formidablement bien, mais risque bien de perdre la majorité de son public en chemin…
Brynn vit toute seule, depuis la mort de sa mère, dans une maison isolée dans les bois, à l’écart d’une petite ville où tout le monde semble la détester. Une nuit, un bruit la réveille, et elle se rend compte avec terreur qu’une créature qui ne peut être qu’extra-terrestre a pénétré chez elle… Et ce n’est que le début d’un long cauchemar !
Traquée, ou plus justement « Personne ne te sauvera » (No One Will Save You, le titre original) démarre comme un film de « home invasion » horrifique, stressant comme il se doit, avant que le cadre ne s’ouvre sur une… « planet invasion » qui a quand même fière allure. Ou tout du moins qui ne manque pas d’originalité, car le scénario très malin de Brian Duffield, auteur complet de ce petit film modeste mais impeccablement réalisé, nous fera aller de surprise en surprise, jusqu’à…
… mais on y reviendra, car ce sera là que le bât finira par blesser. En attendant la (petite) désillusion finale, on profite du « high concept » du film : un seul personnage, le reste des acteurs ne faisant que de la figuration, aucun dialogue pendant une heure trente, même si l’héroïne de Traquée prononcera quand même une phrase complète à un moment. Les bruits sont les autres acteurs du film, avec Kaitlyn Dever, très convaincante (on l’avait déjà remarquée dans l’excellente série Unbelievable), et on regrette que Duffield, en bon cinéaste US, n’ait pas renoncé non plus à la musique : sans cette béquille un peu trop commode dans les films fantastiques, son Traquée aurait eu vraiment fière allure.
Bon, parlons enfin de ce qui ne va pas, dans le film : à force de différer la révélation de la cause de l’isolement de Brynn, celle-ci ne nous intéresse plus vraiment, au milieu de toutes les choses délirantes qui se passent. Et puis, ce délire croissant s’accompagne malheureusement d’une perte de sens de l’histoire, jusqu’à un final qui a beaucoup dérouté, irrité même les téléspectateurs qui avaient été, naturellement, emballés par le démarrage impressionnant du film. Sans être négatif à ce propos comme la majorité des critiques, on dira qu’il y a dans cette dernière scène, qui n’a rien de « WTF » comme on dit aujourd’hui, une très belle idée, un aboutissement à la fois logique et paradoxal de l’isolement radical dans lequel doit vivre Brynn, et que le destin, facétieux, va lui réserver. C’est dommage que cette belle idée ne soit finalement pas assez clairement exposée, laissant une grande partie du public frustré.
Mais, telle quelle, cette demi-réussite (ou ce demi-échec, suivant le point de vue dans lequel on se place) reste une jolie curiosité, qui tranche par rapport au tout-venant du cinéma de SF, tellement à la mode ces dernières années.
Eric Debarnot