Apparemment englué dans la logique suicidaire consistant à rendre coup pour coup, Nicolas Bedos réalise avec Alphonse une mini-série consternante qui confirme – non sans masochisme – tout le mal qu’on dit de lui. Et plonge Amazon / Prime Video dans l’embarras…
La première scène d’Alphonse est littéralement hallucinante : un militaire d’un certain âge – et clairement peu délicat avec la gente féminine – se fait faire une gâterie par l’opulence cuisinière – à genoux sous la table – qui lui a préparé le plat de tripes à la mode de Caen qu’il est en train de déguster ! On imaginait bien que Nicolas Bedos, même financé par Amazon, n’allait pas nous faire une série woke, mais dans le genre « provocation gratuite », il est difficile de faire plus fort (on devrait dire : pire !). Et, prévenons les âmes sensibles, ça ne va pas s’arranger par la suite. L’histoire d’Alphonse, c’est celle d’un fils (Dujardin) remplaçant « au pied levé » son gigolo de père (Arditi), temporairement terrassé par une attaque cardiaque. Cette expérience nouvelle – satisfaire les fantasmes de femmes plus que mûres – va révéler en lui le vrai homme qui sommeillait, jusque là brimé par une épouse froide et dictatoriale…
On savait Bedos attiré par les postures réactionnaires, mais il était difficile de s’attendre à un tel déferlement de clichés rances, voire même haïssables, de la part d’un réalisateur qui, depuis juillet dernier, est accusé de viol et agression sexuelle. Toutes les femmes dans Alphonse sont gravement hystériques (comment une actrice comme Nicolas Garcia, par exemple, a-t-elle pu accepter d’interpréter le rôle qu’on lui a confié ici ?), mais finissent par se soumettre de bonne grâce au pouvoir des vrais hommes, ceux qui savent les séduire (en les emmenant dans des endroits luxueux) et les faire jouir. Si une femme est tentée par des expériences saphiques, c’est une belle opportunité de triolisme pour son mari ; et puis, ensuite, elle lui reviendra forcément, envoûtée par sa virilité ! Quant aux « jeunes », ce ne sont que des ingrats qui se droguent, qui parlent forcément comme la racaille de banlieue, qui ont des tendances homo plus ou moins refoulées, et qui ne cherchent qu’une chose : récupérer le plus rapidement possible l’argent de leurs géniteurs… On pourrait continuer ainsi encore un moment mais notre lecteur a déjà compris l’objection générale d’Alphonse, qui nous offre une image consternante d’une France graveleuse, fascinée par les vieilles pratiques bourgeoises et regrettant plus que jamais la « liberté » du siècle dernier où les mâles blancs régnaient en maître sur la société.
Avec des dialogues d’une vulgarité telle qu’ils ne peuvent même pas prétendre à la tradition « gauloise » de la « France d’hier », façon San Antonio (« Ton talent, c’est ta bite, comme ton père » résume la transmission paternelle selon Alphonse ; « Et n’oublie pas, tu lui balances tout dans la bouche » est un exemple de conseil technique au prostitué débutant…), avec une débauche de corps féminins dénudés filmés dans des cadres luxueux comme un porno datant de l’époque d’avant Internet, et avec une bande son irriguée de variété française ringarde, il est impossible de profiter des quelques gags réussis que nous propose, heureusement (?) le scénario, de temps à autre.
Alors, on préfère rire en constatant l’embarras visible de Prime Vidéo devant ce produit nauséabond, clairement financé ou acheté sur un malentendu : sortie dans la discrétion totale en dépit d’un budget qui a l’air confortable et de son casting (anciennement) prestigieux, voilà une mini-série « de prestige » qui n’a bénéficié d’aucune promotion. Aucune photo n’est encore disponible à la date où nous écrivons cette critique, même sur un site comme l’ImDB. Il y a fort à parler que, en dépit de la Tour Eiffel qui scintille sur l’affiche internationale, Alphonse ne soit pas rendu disponible dans de nombreux pays, tant on a affaire à un objet consternant.
Il est difficile d’imaginer quelle carrière pourrait poursuivie Jean Dujardin après un tel naufrage, venant qui plus est confirmer son adhésion à la ringardise franchouillarde qui avait caractérisé le spectacle de l’ouverture de la Coupe du Monde de Rugby.
S’il y avait une chose à sauver – on a beaucoup cherché avant de dire ça – dans Alphonse, ce serait ses dernières secondes, certes culottées, qui matérialisent parfaitement le destin dont on rêvait pour les personnages de cette tragique pantalonnade.
Eric Debarnot
La prochaine fois, regardez la série avant d’en parler; ça vous évitera d’avoir l’air idiot auprès de ceux qui l’ont vu, qu’ils l’aient aimée ou non ;)
Sur Benzine, toutes les œuvres critiquées, quelles qu’elles soient, ont été vues, écoutées etc. dans leur intégralité par tous nos rédacteurs. C’est une garantie à 100% quand vous lisez nos articles. Maintenant, j’imagine que vous avez fait ce commentaire parce que vous avez eu une perception différente de la série, ce qui est votre droit le plus strict. Nous avons quant à nous le droit d’avoir notre opinion et de l’exprimer.
Je doute en effet que l’auteur ait soit compris la série qu’il regardait, soit l’ait vue dans son intégralité. Excellente série, d’ailleurs pas du tout sexiste, bien au contraire, comme cet article tente de nous le faire croire.
Excellente série mais « sacrifiée sur l’autel du temps et de la lâcheté de petits marquis voulant lui complaire. Des Torquemadas de plume s’érigeant plus féministes que le roi et sans doute non exempts eux-mêmes de turpitudes » (comme l’explique très bien l’article de Figaro Vox que je préfère citer car je n’aurai pas dit mieux)
Merci ô player 8, d’avoir illuminé ma journée en me plaçant nettement du côté de ceux que le Figaro méprise ou déteste : cela veut dire tant de chose pour moi, et est une vraie récompense pour le travail que j’effectue chez Benzine. Et sinon, je vous rassure, ce n’est pas mon « féminisme » qui a eu mal en regardant cette « série » (?), c’est bien le fait que j’ai réalisé qu’on me rangeait naturellement dans le même « genre » que les personnages joués par MM. Arditi et Dujardin !
N’importe quoi cet article ! Série divertissante et drôle à apprécier au second degré
Tant mieux si ça vous fait rire, nous on trouve que c’est au contraire très premier degré, tout ça.