Gaïa notre déesse-mère n’est pas au mieux de sa forme mais elle se soigne. Comment ? En se faisant tirer le portrait dans ces strips à l’humour noir réjouissant concoctés par le duo War and Peas (1 M de followers sur Instagram !).
Mauvaise nouvelle, la Terre va mal et c’est loin de s’arranger. Bonne nouvelle, Salut la Terre vient de sortir et réussit à nous dérider en ces temps éco-anxiogènes ! Dans le drôle de bestiaire de War and Peas, on trouve toutes sortes de créatures (humains compris) et toutes ont droit à la parole pour mieux nous confronter à nos contradictions et à notre insignifiance. Ça ne nous redonnera pas forcément foi en l’humanité, mais on se sera au moins payé de bonnes barres de rire, si jaune soit-il…
On peut rire de tout, même au bord du précipice, et ce petit livre le prouve. Si dans Salut la Terre, les animaux ont des réflexions très humaines, c’est pour mieux tourner en ridicule le plus grand prédateur que la planète bleue ait jamais connu, j’ai nommé : l’Homme, qui est souvent loin de mériter son H majuscule.
Signé par le duo allemand War and Peas, formé par Elizabeth Pich et Jonathan Kunz, Salut la Terre est leur deuxième publication en français. Depuis plusieurs années, les deux auteurs animent un webzine où ils alignent leurs gags jubilatoires — en anglais. Ces deux-là maîtrisent parfaitement les ressorts du comic strip, branche typique de la BD anglo-saxonne. Respectant les codes du genre, leur production est caractérisée par un humour pince-sans-rire et un sens de l’ellipse qui font mouche. Le fait de jouer à fond sur l’absurde permet à ces dignes héritiers des Monty Python et de Garry Larson de mieux souligner les travers de l’espèce humaine.
Souvent le propos est très caustique voire trash par moments, mais la candeur du dessin rond et enfantin aux couleurs pimpantes arrondit les angles tout en repoussant les limites de la bienséance et du politiquement correct. Et puis on apprécie aussi cet art consommé du running gag. Dans cet immense zoo hétérogène en voie d’extinction, on s’amuse des angoisses des mantes religieuses mâles (se faire couper la tête par les femelles), des élans hormonaux des fleurs à la vue d’une abeille, des adeptes du « tree hugging » ou des hipsters accoutrés en bûcherons. Même les montagnes ont leur mot à dire, affichant sans états d’âme leur mépris envers les « fourmis humaines » gravitant leurs parois. Et il ne faudra pas davantage compter sur les petits hommes verts espionnant la planète bleue à bord de leurs soucoupes pour exprimer un semblant d’empathie… En même temps, on peut les comprendre…
Salut la Terre se déguste avec bonheur et jubilation, tel un cocktail bigarré au gaz hilarant — servi glacé en raison des risques accrus de canicule ! — sur le pont d’un navire de croisière. A condition, cela va de soi, d’oublier pour quelques minutes (le temps qu’il faut pour la lire) que ce navire a pour nom « Titanic »…
Laurent Proudhon