Ce vendredi 17 novembre 2023, au Slow Club, on célébrait la pop synthétique avec deux projets musicaux aussi éloignés que proches : JE T’AIME et Ben Bloodygrave. Un pied dans les 80’s et l’autre dans les 2000’s.
La projection sur un écran presque géant de JE T’AIME annonce l’imminence du concert. Les trois parisiens, qui ont sortis leurs deux albums en 2022 (Passive et Agressive), ne s’encombrent d’aucuns amplis et enchaînent les titres dans un décor minimaliste bienvenu. Deux synthés et quelques pads rythmiques serviront aux titres plus synthétiques. Au premier titre Unleashed, le chanteur dBoy occupe la scène avec détermination, gestuelle et pose comprises. Tail Bastard fait corps avec sa guitare new wave alors que l’agité bassiste Crazy Z mène la danse, à fond les potards. Comme chez Traitrs ou Shout Out Louds, l’influence assumé de The Cure se devine dans la tessiture du chanteur et certaines compositions.
JE T’AIME a retenue qu’une basse puissante soutenue par une guitare en arpèges et un bon gimmick au clavier valent leur poids de crucifix. Lonely Days virevolte au milieu de mélodies aériennes et de breaks rythmiques à la Blue Monday. Le groupe montre une belle cohérence sonore et déborde d’énergie, le pied de micro valse et la tête de basse flirte avec quelques visages. Au tour de sucreries synthétiques, Give Me More Kohl et surtout l’excellent Blood on Fire au refrain canon, de réveiller les spectres de A Flock of Seagulls. Rapide comme l’éclair, son tempo ne laisse pas le temps à la méditation. Le trio revient vers des terres plus convenues avec les mélancoliques et très curiens Dirty Trick, Marble Heroes et Evil Curse. Sur Winter Lake, la basse entêtante de Crazy Z vire dans des contrés empoisonnées notamment avec la complicité de la guitare aux oripeaux cold wave. C++, tube imparable extrait du premier album éponyme, décolle avec ses accords entêtants joués à tombeau ouvert. Plus 2000’s, Kiss The Boys And Make Them Die surfent avec l’électro pop alors que Fuck Me drague les cold boys and girls. La cold wave peut aussi embrasser la pop indie à la Bloc Party comme sur The Sound et Dance qui clôturent le set.
Avec sa crête iroquoise et son allure Punk’s Not Dead, le berlinois d’adoption Ben Bloodygrave ne passe pas inaperçu. L’originaire de Freiburg n’a jamais voulu choisir entre les synthés et les grosses guitares qu’il continue à pratiquer dans différentes formations punks actuelles. Mais pour le coup, c’est accompagné de sons synthétiques croisés chez Bronsky Beat, Telex ou DAF qu’il va prendre d’assaut la petite scène comme s’il se produisait au Rebelion Festival. On descelle la Berliner touch avec ses sons raves et techno qui clashent des rythmiques hip hop et électro avec un naturel désarçonnant. Ben Bloodygrave est bavard, revendique et ne comprend plus ce monde. Il alerte sans violence et préfère la danse aux coups de poings. Bewerbung et Bis Nix Mehr Geht sont rapides, simples et efficaces. Tout comme Krankland et Tesla Punk qui abordent des sons plus modernes sur un discours toujours désabusé. Passos a tout du tube minimaliste aux arrangements exquis, dans la grande tradition de Der Räuber und der Prinz signé DAF. Quelques reprises obscures comme ce Rausch du groupe punk est-allemand Schleimkeim rappelle l’Adn de Bloodygrave, au cas où on l’avait oublié.
Texte : Mathieu Marmillot
Photos : Karsten Böhm & Mathieu Marmillot