Pour son premier long métrage, Molly Manning Walker saisit avec justesse l’euphorie d’une jeunesse lancée à trois cents à l’heure dans l’envie d’un plaisir désinhibé. Et les désillusions qui vont avec.
Elles débarquent à Malia, en Crète. Malia ville fiesta, ville débauche, ville de nuit avec ses hôtels, ses bars et ses discothèques en enfilade. Malia dédiée seulement à cette jeunesse qui, sans limites, veut danser, boire, danser, boire, baiser, danser, boire. Elles débarquent donc là avec en tête les fêtes, la musique, les cuites, les garçons, les nuits blanches et les réveils (très) difficiles. Elles sont là pour s’éclater, toutes les trois, Tara, Skye et Em, et parce que ce sont leurs premières vacances entre copines, et parce que c’est la fin du lycée, et parce que Tara est prête à vivre l’expérience des premières fois… Mais sous ses airs délurés, sa bonne humeur et son assurance, ce sentiment soudain d’une pression, d’une obligation par rapport au sexe : le faire.
D’ailleurs Malia ressemble à un monde où tout a avoir avec le sexe. Où tout vous réduit (principalement pour les filles) à de la « chair à canon », à un « produit » de cet environnement-là, physique, paillard, alcoolisé. Et Tara au milieu, prête (le croit-elle) pour une nouvelle expérience (perdre sa virginité, tel un rite de passage), mais qui devra faire avec de brutales désillusions. Molly Manning Walker saisit avec justesse l’euphorie de cette jeunesse lancée à trois cents à l’heure dans l’envie d’un plaisir désinhibé : peaux luisantes, cris de joie, bras levés en cadence, et ces instants où tout paraît possible, et facile, et beau dans les lumières du soleil ou des spots endiablés et fluos.
Mais elle filme aussi les désarrois qui vont avec, et ceux surtout d’un désir soumis aux stéréotypes (voir cette hypersexualisation sans cesse assignée aux femmes). Aux attitudes qu’on ne sait pas forcément comprendre, décrypter. À la notion de consentement. C’est alors, dans la deuxième moitié du film, l’envers du décor, et celui d’un bonheur trop artificiel pour être vrai, qui tristement s’impose : rues désertes jonchées de détritus, gueules de bois, vomissements, fatigue, et un rapport sexuel vite fait, malaisant, pas partagé, pas voulu. Et Tara est cette fille-là, cette fille parmi tant d’autres, qui a vécu ce premier apprentissage de la (sa) sexualité comme un arrachement, une épreuve imposée où elle n’a pas eu son mot à dire, et où le dire ensuite relèvera là aussi de l’épreuve (parvenir à mettre les mots, à exprimer son mal-être). Le faire, à tout prix (à quel prix ?), et tant pis pour le reste, partage, sentiments, épanouissement.
Michaël Pigé