Dans son très beau récit autobiographique, « L’arrestation », l’écrivain et scénariste Dan Franck revient sur un moment critique de son existe, la trahison d’un ami lié à Action Direct, qui finira par le conduire en prison.
Ecrivain et scénariste pour de nombreux films et séries, Dan Franck a connu, vers l’âge de 30 ans, un épisode quelque peu compliqué de sa vie. Une période sur laquelle il ne s’est jamais vraiment exprimé, qui nous ramène à l’année 1984, quand il a passé 40 jours en prison.
Longtemps, il s’est posé la question de savoir s’il fallait ou non évoquer cette période durant laquelle il a été mis en garde à vue, interrogé longuement par la Police, puis écroué à la prison de La Santé à Paris. Et puis les décennies ont passé, et Dan Franck a décidé finalement de laisser ce « secret » enfoui quelque part au fond de sa mémoire, avant que celui-ci ne refasse surface… sur sa fiche Wikipedia.
Alors, plutôt que les autres ne découvrent son passé sur internet, qu’il avait été condamné pour association de malfaiteurs en lien avec le groupe terroriste Action Directe, Dan Franck a décidé finalement d’écrire un livre. Car seuls ses amis les plus proches étaient au courant de cette histoire qu’il a longtemps portée comme un fardeau. Lui qui durant sa détention, en 1984, à noirci des des pages entières pour raconter son enfermement, ses questionnement, ses souffrances, sans jamais rien en faire, en fin de compte, malgré l’insistance de son amie Françoise Verny qui lui avait dit un jour : « si tu ne veux pas en avoir pour 10 ans avec cette histoire, écris un livre. »
Ce livre, Dan Franck l’a finalement écrit, et il le fait paraître aujourd’hui pour raconter comment, le jour de ses 32 ans, le 17 octobre 1984, il est arrêté et incarcéré (suite à une lettre anonyme), accusé de complicité avec des membres d’Action Direct. Plus exactement, un de ses meilleurs amis de l’époque, nommé dans le livre simplement « le garçon » – quelques recherches sur internet permettront facilement de retrouver son identité – sous-louait le studio de Dan Franck aux membres du groupe terroriste et participait également à des actions de banditisme dont « La fusillade de l’avenue Trudaine » qui fera deux morts parmi les forces de l’ordre. Mais, par solidarité, et aussi sans doute parce qu’il n’avait pas une haute opinion de la Police à cette époque, Dan Franck a décidé de ne dénoncer personne, de protéger ses amis lors de ses interrogatoires. Il en paiera le prix fort.
C’est un livre en forme d’enquête dans le passé que nous propose là Dan Franck, se rappelant de ses interrogatoires au « 36 quai des orfèvres », de ses fréquentations de l’époque, des jours et des nuits passées en prison, recevant des lettres de soutien de ses amis, mais également de Rika Zarai, pour laquelle il servait de « prête-plume » pour ses livres à succès sur les plantes.
Impossible de rester insensible au récit de l’écrivain, de ne pas comprendre le piège dans lequel il était enfermé, lui qui pensait pouvoir jouer et gagner la partie de poker menteur dans laquelle il était engagé avec la Police, mais qui, sans le savoir, avait toujours un temps de retard, notamment sur « le bordelais », le flic qui l’interrogera sans cesse durant des semaines. Un homme qu’il décidera de rencontrer bien des décennies plus tard, pour avoir des éclaircissements sur les questions qu’il se posait encore, notamment : qui a envoyé cette lettre anonyme le dénonçant ?
Un roman fort où il est question d’amitiés, de convictions, mais aussi de trahisons, entre des amis d’enfance, avec cette douleur d’avoir été berné par un homme en qui il avait totalement confiance et qui s’est révélé être un manipulateur hors-pair.
Dan Franck raconte tout ça avec énormément de sincérité et de lucidité, ne cachant rien des doutes qui l’ont taraudé, des erreurs qu’il a pu commettre, par naïveté ou par gentillesse, ou tout simplement par amitié, par fidélité.
Benoit RICHARD