Hindsight is 50/50 est déjà le troisième album de Ghost Woman sorti en 18 mois. Le duo canadien (Evan Uschenko et la batteuse Ille van Dessel) fraie son chemin au milieu d’un labyrinthe fantomatique peuplé de guitares et chants caverneux.
Ghost Woman est le projet perso du multi-instrumentiste Evan Uschenko qui, dans un passé proche, officiait chez son compatriote Michael Rault, chantre d’un soft-rock bien ficelé. C’est lors d’une tournée partagée avec King Gizzard & The Lizzard Wizzard, qu’Uschenko rend visite au magasin de disques Mississippi Records à Portland et trouve une compilation de blues intitulée Ghost Woman Blues. Le nom est tout trouvé pour celui qui préfère l’ombre à la lumière. Mais avant de sortir son premier album en 2022, l’originaire de Three Hills a dû croiser un chat noir. Cambriolage, incendie suivi de la destruction de son matériel, quelques addictions et rupture sentimentale à gérer, le chanteur et guitariste va trouver en Ille Van Dessel, co-signatrice des compostions, une redoutable batteuse à la rythmique tribale.
Le rock garage d’Hindsight is 50/50 transpire la résonance malsaine, une musique parfaite pour accompagner une descende d’acide. Quelques pistes nous renvoient dans les 60’s du Chocolate Watch band, les 80’s du Darkland de The Jesus and Mary Chain ou plus récemment The Black Angel. Outre ses talents de photographe – il signe la dernière pochette de Timber Timbre –, le chanteur est aussi féru des anciennes techniques d’enregistrements.
Attirés par le tout analogique, c’est en Bretagne qu’Uschenko et Van Dessel se sont posés et ont enregistré les dix titres du disque. Le résultat est limpide, ni trash, ni soft.
Le son garage est hyper maitrisé, sans bavures, peut être un poil trop poli. Aussi, Alright Alright célèbre les réverbérations en y injectant une rythmique empoisonnée, le fog musical entraine l’auditeur dans ses bocages marécageux. La voix lancinante colle parfaitement au rock sombre de Ghost Woman, comme des Engineer boots sur un sol collant de bières. La guitare douze cordes amplifie les effets pour mieux les sanctuariser comme sur Bonehead et accélère le tempo sur Yoko, en mode kraut garage hypnotique. Sur Highly Unlikely, la voix profonde d’Uschenko s’émancipe grâce à une instrumentation en apesanteur. Plus anxiogènes, Ottessa et Along PT.2 se faufilent à travers les linceuls, Ille Van Dessel réplique d’une voix Gordonesque, guitare crépusculaire en tête du cortège. Avec Wormfeast, les canadiens prennent de la hauteur sous forme de ballade instrumentale assez mélodique. L’heureuse surprise vient de Buik qui réunit l’esprit des Limiñanas arrangé au cajun et à la téquila. Sur une rythmique à la Velvet Underground, la voix parlée embarque le groupe pour un road trip bien senti, alors que Juan et Hindsight is 50 50 ne sortent pas de l’impasse.
Ghost Woman reste dans la continuité avec un rock classique réduit aux os, qui préfère les atmosphères capitonnées à la sueur tropicale.
Mathieu Marmillot