50 ans après la sortie en salle du premier Star Wars, la préhistoire du point de vue des jeunes générations, cette BD vient rappeler ce qu’il a fallu d’obstination et de créativité pour enfanter cet archétype du film de science-fiction. C’était il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine….
J’avais quatre ans à la sortie du premier volet de la saga Star Wars, donc bien trop jeune pour réaliser quoique ce soit. En revanche, je me souviens parfaitement du choc qu’a été la découverte des premières images de L’Empire contre attaque.
A l’époque, mes parents possédaient une télévision en noir et blanc, et malgré cela, l’extrait diffusé pendant la Séquence du spectateur a eu sur moi un tel impact que j’ai tanné mon père, d’abord réticent, pour qu’il m’emmène voir le film au cinéma, ce qu’il a finalement consenti à faire. L’extrait en question se déroulait pendant l’attaque de l’armée impériale sur Hoth, donc dans la neige. Mais (et c’est le fait du noir et blanc) j’étais alors persuadé que la scène avait lieu dans un désert de sable. Or quelle ne fut pas ma surprise de découvrir sous mes yeux ébahis la réalité soudain colorisée ! Je me souviens également avoir prolongé l’envoutement pendant des mois, recréant sans cesse les vaisseaux avec mes Lego.
Bref ! Tout cela pour dire que j’ai abordé cette BD avec un intérêt tout particulier. Comme Lucas lui-même, je recherchais sans doute en partie la magie de mon enfance. Gagné !
C’est d’abord cette belle couverture, très poétique, qui a attiré mon attention sur Les guerres de Lucas, que les auteurs ont eu raison de préférer à celle envisagée au départ. Tout cela est très bien expliqué dans le petit portfolio final. Bien que nourrissant quelques réserves au sujet du dessin, que je trouvais de prime abord un peu trop anguleux à mon goût, j’ai fini par me rendre à l’évidence : il est très maîtrisé, surtout en ce qui concerne les visages et expressions. On reconnait immédiatement chacun des protagonistes. George Lucas lui-même, mais également Harrison Ford, Carrie Fisher, Mark Hamill, Coppola, Spielberg ou bien encore Alec Guinness. En outre, le récit est très dynamique, ce qui fait que le lecteur se trouve immédiatement embarqué dans « l’aventure de l’aventure ».
Je ne vais pas dévoiler tout ce que l’on y apprend, mais juste à titre d’exemple, je me contenterai de cette petite anecdote : le sachiez-tu ? C’est Christopher Walken qui avait initialement été pressenti pour incarner Ian Solo, et ce dernier devait donner la réplique à Jodie Foster dans le rôle de la princesse Leia ! Inimaginable !
Extrêmement documentée (il faut voir la double page consacrée à la bibliographie pour le croire), cette BD montre l’obstination d’un homme visionnaire d’une créativité folle (aux traits neuro-atypiques probables), et les mégatonnes d’obstacles qu’il a dû affronter jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’à la veille de la sortie en salle. La réalisation du film a nécessité des innovations techniques démentes, ainsi qu’une bonne dose de bricolage et d’improvisation. D’où ce titre, parfaitement adapté. On découvre que ce film a bien failli ne jamais voir le jour, qu’il s’en est fallu d’un cheveu pour que tout s’effondre. Au sein même de l’équipe constituée par Lucas, personne n’y croyait réellement, au point que beaucoup méprisaient le réalisateur, ne lui accordant aucun crédit, défiant constamment son autorité.
On regrettera peut-être que les auteurs n’aient pas insisté davantage sur lesdites innovations, comme cette toute première utilisation de caméras assistées par ordinateur. Mais ce sera le seul et unique regret.
Voilà ! Voilà le menu de cette copieuse BD qui s’adresse peut-être avant tout aux fans de la première heure, mais qu’il serait dommage de cantonner à cela. Franchement, c’est un véritable morceau de cinoche qui est dévoilé ici, pour ne pas dire un tournant. On pense ce que l’on veut de cette saga (les trois premiers, hein ? Parce qu’on oublie les autres, on est bien d’accord ?), mais qu’on le veuille ou non, son empreinte a définitivement changé le visage du cinéma, et notamment de science-fiction. Demandez à Ridley Scott ou James Cameron ce qu’ils en pensent, eux qui eurent à cette occasion la révélation de leur vie, ou même à Spielberg, l’une des rares personnes à avoir soutenu inconditionnellement Lucas. Le réalisateur de E.T. a d’ailleurs sombré dans une petite dépression lors de la sortie de Star Wars, au point que par crainte d’un échec commercial, il a délibérément choisi de décaler la date de sortie de son Rencontre du 3e type…
Merci à nos deux auteurs pour ce très bon scénar, et ce dessin épatant qui, sans en mettre plein la vue, emporte l’adhésion du lecteur. Le charme opère avant tout parce que tout est solide, graphiquement comme historiquement. To be continued ?…
Arnaud Proudhon
Les Guerres de Lucas
Scénario : Laurent Hopman
Dessin : Renaud Roche
Editeur : Deman Editions
208 pages – 24,90 €
Parution : 4 octobre 2023
Les Guerres de Lucas — Extrait :