A cause du Covid et du confinement, trois sœurs retrouvent leur frère dans un hameau du Lot. Avec son nouveau roman, Chaleur humaine, Serge Joncour nous propose un huis clos familial qui nous interroge sur nos dénis, nos angoisses et nos incertitudes.
Depuis 3 ans, je fuis comme la peste, ou plutôt comme la Covid, les carnets de bords et récits des confinés inoccupés qui n’étaient pas bricoleurs ou tricoteurs. Je suis donc rentré dans cette suite de Nature Humaine un peu en marche arrière mais pour connaître un peu l’étroitesse des routes vallonnées du Lot, je vous conseille de ne pas commencer par la fin.
Fuyant le confinement urbain, la promiscuité, le travail pour certains et le virus, Vanessa, Caroline et Agathe se réfugient aux Bertranges, dans la ferme des parents. Les trois sœurs, une célibataire, une divorcée et une dernière en couple avec un beauf version premium, retrouvent sur place Alexandre, le frérot agriculteur resté à demeure. Pilier de la famille, ce dernier n’a pas besoin de Karine Lemarchand et de ses mélodies lacrymales d’ascenseurs puisqu’il est casé avec une autre amoureuse de la nature et des pulls qui grattent. Alexandre n’est pas ravi de voir revenir ses sœurs avec lesquelles les contacts se limitaient aux enterrements et aux vœux de bonne année depuis l’exode urbain et quelques histoires d’héritage. Côté éoliennes et passage d’autoroute au voisinage de ses terres, il a la digestion un peu difficile.
Tout ce petit monde va arriver avec ses valises, ses problèmes et va être obligé de tomber les masques (j’étais obligé de la faire !).
Les récits de Serge Joncour ressemblent à des week-ends à la campagne. Ils sont capiteux, moelleux, prennent leur temps sans le perdre, ils sont écrits pour être lus à la belle étoile et pourtant ils ne penchent jamais du côté des romans du terroir qui sentent le pâté de campagne et confondent histoire et traditions.
Il n’y avait donc que la plume de Serge Joncour pour parvenir à nous rappeler avec finesse et sans tomber dans le convenu, nos petites habitudes de confinés scotchés devant les JT, les transhumances de citadins accueillis à la fourche par les autochtones, nos débats intrafamiliaux dignes d’un réveillon trop arrosé, nos soudaines vocations d’épidémiologistes de zinc, les collections de papier toilette et surtout nos dénis, angoisses et incertitudes.
J’ai lu que Serge Joncour se décrivait lui-même comme un écrivain du dehors et la nature occupe effectivement une place de plus en plus importante dans son œuvre depuis Chien loup. Si le confinement a arrêté un peu le temps, mis nos vies en pause, le roman décrit très bien que pendant cet entracte, la nature a profité de ses vacances et repris ses droits. L’auteur emprunte aussi l’œil de son agriculteur de héros pour observer le changement climatique et le dérèglement des saisons dans son activité. Y’a plus de saison comme au bon vieux temps, ma bonne dame !
Ce roman est une réussite même si j’avais trouvé « Nature humaine » plus abouti et ambitieux, peut-être parce qu’il s’inscrivait dans un temps plus long qu’un écouvillon.
Allez Un petit pari sur le titre du prochain roman : Chair humaine ? Chaîne Humaine ? Surhumaine ? Energumène ?
Olivier de Bouty