En adaptant l’essai de Dominique Missika, Pascal Bresson et Stéphane Lemardelé nous plongent dans un passé douloureux, celui de la déportation, puis du retour à la vie, si difficile des rares survivants.
Le scénario de Pascal Bresson nous immerge dans une longue conversation entre Simone Veil et sa sœur aînée, la moins connue mais tout aussi courageuse, Denise Vernay. Inséparables, elles déjeunaient souvent ensemble, sans leurs maris, l’occasion de replonger dans leur passé commun.
Les Jacobs étaient des Juifs parfaitement intégrés. S’il observe avec inquiétude la montée du nazisme, André, le père, a mis sa confiance dans le maréchal Pétain. Alors qu’il était encore temps, ils n’émigreront pas. La guerre est perdue. Le piège se referme sur le couple et ses quatre enfants, Madeleine, Denise, Jean et Simone. Bien que cachée, Simone est arrêtée avec ses parents. Seule Denise, qui a rejoint la Résistance, a échappé à la rafle. André et Jean sont rapidement exécutés. Yvonne, la mère, et ses filles, Madeleine et Simone, sont déportées à Auschwitz.
Le scénario de Pascal Bresson ne s’étend guère sur l’horreur des camps. Il décrit froidement quelques visions d’enfer : ici, on meurt ; ici, on vous tue. Simone avouera s’être battue pour nourrir sa mère et, plus surprenant, de devoir la vie à une kapo qui l’avait prise en affection. Il s’attarde plus sur le retour des rescapées. Denise est accueillie par le général de Gaulle en personne. Ses deux sœurs bénéficient de moins d’égards. Les Juifs, eux, ne se sont pas battus. La France semble leur en vouloir. La nation n’aspire qu’à fêter sa victoire, puis à tourner la page et à reconstruire. Mais, alors, que faire de ceux qui ont tout perdu ? Que faire même du souvenir des absents ? Simone découvrira que l’horreur est incommunicable et la flamme impossible à entretenir. Si elle exercera les plus hautes charges de l’État, elle en conservera une profonde tristesse, qu’elle réservera à ses proches.
Le dessin de Stéphane Lemardelé est remarquablement sobre. Son trait est précis, mais, humblement, s’interdit tout effet de mise en scène. Se contentant d’illustrer, de poser de douces couleurs sur la tragédie, il se met au service de la narration. À votre tour, saurez-vous partager la peine de Simone et de Denise ?
Laissons conclure Primo Levi, leur compagnon d’infortune, qui, dans Si c’est un homme, écrivait :
« N’oubliez pas que cela fut
Non, ne l’oubliez pas :
Gravez ces mots dans votre cœur.
Pensez-y chez vous, dans la rue,
En vous couchant, en vous levant,
Répétez-le à vos enfants. »
Stéphane de Boysson
Simone Veil et ses sœurs
Scénario : Pascal Bresson, adaptant l’essai de Dominique Missika
Dessin : Stéphane Lemardelé
Éditeur : La Boîte à Bulles
160 pages, 25 €
Sortie : 13 septembre 2023
Simone Veil et ses sœurs — Extrait :