Alexander Payne, fidèle à son style pointilliste teinté d’une ironie mordante, ausculte une nouvelle fois les rapports humains qui se disent et se révèlent face à une errance existentielle carabinée. Certes, rien de très original là-dedans, mais Payne sait alterner petites touches comiques et bulles douces-amères au cœur de sa chronique sur quelques solitudes ordinaires.
Il est professeur d’histoire ancienne dans un prestigieux lycée d’enseignement privé pour garçons. Professeur ronchon, pas aimé et pas aimable. D’ailleurs les lazzis à son égard ne manquent pas, entre le directeur qui lui demande « d’au moins faire semblant d’être un être humain » ou un étudiant qui, face à son intransigeante sévérité, ose lui rétorquer « Je croyais que tous les nazis s’étaient réfugiés en Argentine ». Paul Hunham est comme ça et ne cherche pas, certainement pas, à faire d’efforts pour que ça change. Misanthrope, oui, et alors ? Et quand Noël approche, c’est à lui que l’on demande de rester sur le campus pour surveiller les cinq pensionnaires consignés sur place qui n’ont pas la chance de passer les fêtes en famille.
Il n’en restera bientôt qu’un : Angus Tully, élève aussi doué qu’insubordonné, et dont la mère et le beau-père préfèrent partir en lune de miel plutôt que d’être avec lui pour les vacances. Avec eux, il y a aussi Mary, la cuisinière de l’établissement, dont le fils vient de mourir au Vietnam et qui ne laisse rien transparaître de son chagrin. Ces trois-là (« Deux ratés et une mère en deuil », résumera laconiquement Angus), laissés à leur délaissement dans ce grand bâtiment désert, vont ainsi croiser leurs peines et leurs infortunes. Se découvrir. Se rapprocher. Créer des liens. Alexander Payne, fidèle à son style pointilliste teinté d’une ironie mordante (Winter break aurait quelque chose d’un discret digest entre les jubilatoires L’arriviste et Monsieur Schmidt), ausculte une nouvelle fois les rapports humains qui se disent et se révèlent face à une errance existentielle carabinée (une vie sociale inexistante, un père qui manque, un fils disparu).
Certes, rien de très original là-dedans, mais Payne sait alterner petites touches comiques et bulles douces-amères dans ce récit qui voit trois âmes perdues se soutenir comme ils peuvent (souvent maladroitement bien sûr, c’est là tout le piquant et le charme du film, mais au moins essayent-ils). Dans ce genre d’œuvre minimaliste au possible (pas d’action, pas de suspens, pas de « grande scène » à faire…) où tout repose en partie sur les acteurs (pour le reste : un bon scénar), il faut avoir le nez fin pour trouver les parfaits interprètes capables de porter le film sur leurs seules épaules ; capables d’apporter profondeur et émotion à des personnages pourtant pas engageants au départ. Payne l’a eu, ce nez fin, en misant sur Paul Giamatti, Dominic Sessa et Da’Vine Joy Randolph, tous les trois remarquables, à l’aise et touchants dans cette chronique de Noël sur la solitude ordinaire si propice aux inévitables « réjouissances » de fin d’année.
Michaël Pigé