Patrick Mérand ne s’en cache pas, il est prosélyte : « Mon objectif, c’est de donner envie de lire à nouveau les albums et de continuer à les lire et les relire. »
Le livre est beau. Il est lourd et tient bien en main. Patrick Mérand est un tintinophile assumé qui n’a cessé de lire, d’analyser et de commenter Les Aventures de Tintin. Au fil de ses recherches, il s’est émerveillé sur la qualité, croissante avec le temps, des sources d’informations d’Hergé. De fait, en cinquante ans, le monde a changé. En effet, quoi de commun entre l’année 1929, lorsqu’un tout jeune homme de 22 ans s’attaque à Tintin au pays des Soviets, et l’année 1976, quand un auteur accompli publie Les Picaros. Tintin et l’Alph-Art, son ultime album, demeurera inachevé.
Le premier album est une commande de l’abbé Wallez destinée à illustrer Le Petit vingtième, un journal catholique, conservateur et farouchement anticommuniste. Comme sources, Hergé ne dispose que d’un pamphlet : Moscou sans voiles de Joseph Douillet. Les décors sont réduits au minimum, la couleur locale est donnée par les chapkas, les tenues cosaques et les coupoles du Kremlin de la couverture. Il désavouera ce péché de jeunesse. L’album suivant, Tintin au Congo, est nettement plus riche. L’auteur dispose des collections des musées bruxellois. Si le ton est farouchement colonialiste, les décors et les costumes sont plus justes.
Patrick Mérand étudie chaque album, le contextualisant dans son époque et cherchant à retrouver la documentation de l’auteur. Hergé, comme en son temps Jules Verne, a très peu voyagé. En revanche, il a travaillé, fréquenté les bibliothèques et interrogé des voyageurs. Le jeune lecteur devra faire un effort pour concevoir un monde sans internet, un univers où l’information est rare et consultable essentiellement dans les musées et les bibliothèques.
Les 800 notices se lisent avec aisance. Le lecteur est invité à folâtrer, en s’arrêtant seulement sur celles qui l’interpellent. L’auteur se montre d’une extraordinaire curiosité et d’une belle érudition, vous y apprendrez une foultitude de choses, plus ou moins importantes. Patrick Mérand répondra même à des questions que vous ne vous êtes jamais posées.
Bien que riche, l’iconographie souffre de l’intransigeance des héritiers d’Hergé qui interdisent toute reproduction de son œuvre. Je ne doute pas que nombre de ses lecteurs possèderont la collection à portée de main. Les autres auront la joie de la découvrir dans des bibliothèques, avant, je leur souhaite, d’investir dans quelques albums de notre vieil ami Hergé.
Stéphane de Boysson