En ce début 1983, Les Snipers sortent un excellent premier album résolument néo-garage au côté des Dogs, Bad Brains où Gamine que les deux disques suivants n’égaleront pas. La compilation Come On ! 1983-1985 revient sur le parcours discographique des Dijonnais qui ne durera que trois ans.
Flashback. Ce mardi 15 février 1983, le froid mordait sévère. Il est 17h, et devant le foyer protestant Hoffet de Colmar, des clones des Ramones s’affairent, à savoir les américains The Real Kids, qui abordent la même coupe Playmobil et jeans délavés que leurs cousins new-yorkais. Ils sont accompagnés des jeunes Snipers de Dijon. Leurs disques respectifs sont classés dans le TOP 5 de la radio locale Colmar Pulse, et c’est muni de mon enregistreur-cassette que j’espère obtenir une interview pour mon émission radio. A condition, comme le suggère le bassiste américain Alpo, d’aider à débarquer le matériel du camion et de trouver… de quoi fumer. J’embarque les intéressés et les dépose au tabac du coin. Face au vendeur, les gars bafouillent et me matent salement. Pour l’interview, ça devra attendre et Les Snipers se marrent. Le quatuor est composé du guitariste François Huet et du bassiste Gilles Vilatte qui se partagent le chant, du batteur Fred Belin et du guitariste soliste Frédéric Pinasseau. Leur premier album, sorti chez New Rose, fait sensation auprès des radios libres et revues rock. Et pour cause. La pochette offre une très belle photo en clair obscure du groupe. François Huet : « Elle a été prise dans des locaux de frets adjacent du studio WW à Paris ou nous enregistrions. C’est l’agence Belle Journée en Perspective qui supervisait la séance comme pour la plupart des pochettes du label. En y regardant bien, j’ai les cheveux assez courts, je revenais de l’armée. »
Les sept titres ne connaissent pas l’ennui et exaltent le rock garage juvénile. Les guitares Rickenbacker et Dan Armstrong sont au diapason, les chants déroulent sans prise de tête. François Huet : « On y a mis toute notre énergie, on répétait les sept morceaux à fond et l’ingénieur du son Patrick Woindrich a fait un boulot remarquable avec son huit pistes dans son studio WW. Il a su nous mettre en confiance et ça s’entend. Nous sonnions tel que nous étions, un groupe à guitares, pas encore trop influencé. Et Lionel Hermani du label Mélodies Massacre a parachevé le job en s’occupant du mixage. ». P.Woindrich n’est pas vraiment un inconnu et a eu l’occasion de collaborer avec The Saints, Oberkampf où Les Avions. Je T’Attendrais Dans Le Vide Ordures et Chaque matin, sont de redoutables brulots, toutes guitares en avant. La production est éclatante, racée et dotée d’une dynamique remarquable. A l’instar des Calamités, les copines de Beaune avec qui ils tourneront régulièrement, les textes s’invitent en français avec une déconcertante facilité.
La Meilleure Manière règle des comptes au côté d‘ Elle Se Tait sur fond de tension rock & roll. Quelques reprises comme Tallahassee Lassie (Freddy Cannon – 1959) et Come On (Chuck Berry – 1961) confirment leur encrage rock & roll. Le killer track Tried to Hide (13th Floor Elevators – 1966) se fend de guitares acérées que n’auraient pas renié Wilco Johnson.
La même année, la compilation Snapshot permet aux dijonnais d’enregistrer Le Fiancé De L’Institutrice avec aux manettes Nigel Barker et ses potes Chris Wilson et Robin Wills des Barracudas. Les guitares sont magnifiées, le groupe est au top et augure du meilleurs. Toujours en 1983, trois titres figurent sur une compilation de leur label New Rose dont un tonitruant Psychotic Reaction (Count Five-1966).
Leur second album Bis sort en 1984. Si certaines compositions sortent du lot, Les Snipers perdent de leur originalité pour mieux s’inscrire dans la doctrine garage-rock en vogue.
François Huet : « On s’est retrouvés à devoir enregistrer cet album sous la pression du label et particulièrement de Patrick Mathé. Nous nous retrouvons dans un studio 16 pistes et nous jouons mieux car deux tournées vous rodent. Mais nous aspirions à un son moins produit qui s’approchait plus de la scène néo-sixties de l’époque, avec un son plus underground. De plus ce n’était plus Patrick Woindrich aux manettes et çà s’entend ». Certaines compositions partagent des similitudes évidentes avec les Dogs, notamment Quand viendra l’été vs Little Johnny Jet ou Ce N’est Pas Moi vs Secrets. Les Snipers offrent quelques belles compositions comme Toute La Journée et A Cause De Moi à la fraicheur instantanée et l’impeccable Snipers Theme avec à l’harmonica, un certain Dominique Laboubée. Pourtant, le bassiste Gilles Vilatte cesse l’aventure. François Huet : « L’année 1983 fut extraordinaire, mais aussi très éprouvante. Entre les tournées avec The Real Kids et Les Rythmeurs qui ne furent pas de tout repos et les enregistrements, certaines tensions devenaient palpables. J’étais plus banché The Flamin’ Groovies et le garage sixties américain alors que Gilles écoutait des trucs plus country ou roots rock avec Creedence Clearwater Revival. »
En 1985, Les Snipers retrouvent Patrick Woindrich pour l’enregistrement de leur dernier album Alligator. Quelque peu surproduit, l’écho ravageur polit l’ensemble, le chant aux accents fifties confère au groupe une approche plus classic rock que l’on ne soupçonnait pas. Je T’Attends retrouve la classe d’antan, Jamais La Nuit convoque même un saxo. François Huet : « A la sortie d’Alligator, il était devenu évident que New Rose ne s’intéressait plus vraiment à nous. Nous vendions moins de disques et ne tournions plus aussi facilement. En trois ans, l’époque avait changé et le public se tournait vers de nouveaux groupes plus en phase avec leur attente »
Seuls onze titres, issus des deux derniers albums, ont été sélectionnés, plus quatre enregistrés lors d’un concert au Bataclan en 1983.
Parfait témoignage de la fougue qui caractérisait Les Snipers.
Mathieu Marmillot