Malgré quelques bisbilles psychologiques gnangnan et une fin mal tricotée, Vermines a de l’ambition à revendre et devrait consacrer son réalisateur comme nouveau venu prometteur dans « le genre à la française ». Ah oui, gros conseil quand même : arachnophobes sévères, s’abstenir !
Sérieux, mais qu’est-ce qui t’a pris d’aller voir un truc pareil alors que tu souffres d’arachnophobie sévère, mais genre vraiment sévère, genre high level ? Déjà qu’il t’a fallu des années pour te remettre de l’incontournable Arachnophobie (qui date quand même de 1990), pourquoi diable aller t’infliger un film où grouillent moult aranéides déchaînées ? Sans doute pour te confronter à ta peur, immuable, des araignées. Pour tenter de la surmonter, un peu. Et puis une place de ciné, ça coûte carrément moins cher qu’une séance d’hypnose. Parce que pour les arachnophobes purs et durs, la séance de Vermines s’apparentera à une épreuve partagée entre crispations sur le siège, sursauts, détournements du regard et râles de dégoût.
Sébastien Vaniček et son scénariste Florent Bernard reprennent à peu de chose près la trame d’Arachnophobie, soit un spécimen particulièrement agressif du Venezuela (ici du Sahara marocain) ramené à la civilisation et prêt à faire de gros dégâts, la jolie petite bourgade américaine laissant place à un immeuble de cité de banlieue parisienne (les arènes de Picasso à Noisy-le-Grand avec ses fameux « camemberts » conçus par Manuel Nunez-Yanowsky au début des années 80) dans lequel ses habitants se retrouvent confinés par crainte d’une invasion à grande échelle. Si Vermines assume totalement son amour pour le genre, et d’être d’abord un film de genre, ce déplacement en banlieue esquisse un arrière-fond social sur ce quotidien « de l’autre côté du périph’ » fait de débrouilles, d’entraides et d’inégalités, un peu comme si Les misérables rencontrait soudain Arachnophobie.
À l’enfermement dans l’immeuble imposé par les autorités répond, symboliquement, celui dans une cité de banlieue où il est si difficile de s’extirper, d’avoir des chances de réussite sociale (« La symbolique de la xénophobie, de l’intolérance, elle était là. Tout le monde étant traité comme de la vermine dans ce parallèle métaphorique », a expliqué Vaniček). Et à l’angoisse du lieu clos celle des araignées (inspirées ici de la charmante heteropoda maxima), que Vaniček va prendre un malin plaisir à démultiplier et à augmenter en taille jusqu’à des proportions monstrueuses. Sa mise en scène, nerveuse et précise, se met toute entière au service d’un spectacle horrifique généreux en plaisirs régressifs et en tension.
Là où le bât blesse, c’est quand le film s’essaye à quelques bisbilles psychologiques (le frère et la sœur qui ne s’entendent plus depuis la mort de leur mère, la brouille avec le meilleur pote…) qu’il tente maladroitement de greffer au récit principal, tombant alors dans les clichés et le gnangnan. Et qu’il propose, en lieu et place d’un dernier duel épique, une fin mal tricotée cherchant à évoquer la question d’une incommunicabilité, du rejet de l’autre qu’il faut d’abord comprendre. Pas (trop) grave : Vermines a de l’ambition à revendre, Vermines fait le job et Vermines consacre Vaniček dans le « genre à la française » dont le prochain méfait est attendu avec entrain et curiosité.
Michaël Pigé