Hervé Loiselet et Antonin Dubuisson nous racontent l’histoire, passablement oubliée, des Trois Glorieuses qui virent la haute bourgeoisie parisienne s’emparer, pour longtemps, du pouvoir.
Couronné du prestigieux Grand prix du roman de l’Académie française, L’Été des quatre rois de Camille Pascal, publié en 2018, plonge ses lecteurs dans les folles journées des Trois Glorieuses qui mirent fin à la Restauration. Rappelons le contexte : Charles X, dernier frère de Louis XIV, aspire à rétablir la monarchie absolue. S’appuyant sur une coterie d’ultra-royalistes, il dissout, en juillet 1830, la Chambre et limite drastiquement la liberté de la presse. Persuadé de sa divine légitimité, il estime que quelques coups de canon suffiront à mater les émeutes. Surtout, il n’entend pas reproduire l’erreur de son trop doux de frère aîné, il frappera le premier.
Face à lui, le petit peuple, les demi-soldes de Napoléon et la haute bourgeoisie libérale s’échauffent. Un temps, l’histoire parait bégayer. Les plus anciens, Charles X, le duc d’Orléans, Talleyrand ou La Fayette, étaient déjà présents en 1789. Seulement, les temps ont changé : « L’histoire ne repasse pas les plats. » Sûr de sa force, le peuple des faubourgs parisiens sait pouvoir renverser le régime. Terrifiés à l’idée de revivre la Terreur, les notables n’entendent pas lui abandonner le pouvoir. Ils cherchent activement un souverain de rechange. Échaudés par l’expérience napoléonienne, ils se méfient des militaires. Vous connaissez la suite, la grande bourgeoisie va triompher. Les faubourgs tiendront leur revanche lors de la Commune, mais ceci est une autre histoire.
Le scénario d’Hervé Loiselet s’articule autour de pas moins de 24 personnages, heureusement présentés dans la préface. Les femmes de pouvoir étant alors forts rares, il s’attarde sur le salon de la comtesse de Boigne et sur l’inconscience de la duchesse de Berry. Hélas, il souffre d’un format trop court. Camille Pascal disposait de près de 700 pages pour poser ses héros et développer cet extraordinaire faisceaux d’intrigues.
Antonin Dubuisson impose un style original. Charbonneux et légèrement caricaturés, ses personnages sont très expressifs et parfaitement reconnaissables. Prisonnier d’un format trop court, il ne livre que peu de scènes d’action. La fameuse charge des cuirassiers n’a droit qu’à une unique vignette. En revanche, il multiplie les gros plans dans des salons, des palais ou des boudoirs. Peu de pauvres gens, mais des notables, des ducs et des contes, des ministres et des maréchaux, des écrivains et des journalistes…
Avec moins de mille morts, cette révolution sera, du moins à l’aulne de la précédente, relativement peu sanglante, et, au final, la haute bourgeoisie raflera la mise !
Stéphane de Boysson