Reparti sur la route après la parution du désastreux Never Let Me Down, Bowie assomme des foules immenses avec un show grandiloquent. Si assister en « live » à la tournée Glass Spider pouvait faire illusion grâce au charme de la star, la retranscription en vidéo et en album ne fait que confirmer le peu de tenue de cette triste affaire.
Pour soutenir son nouvel album, ce Never Let Le Down descendu par la critique mais qui se vend encore relativement bien, Bowie décide de lancer une gigantesque tournée mondiale, passant par des pays jamais encore visités, et devant même aller jusqu’en Russie (ce qui ne se fera pas…).
Mais ce qu’il a en tête – étrange faute de jugement, typique de l’époque -, c’est de prendre à contrepied le Serious Moonlight Tour, trop « plastique », trop « impersonnel », et de revenir à une mise en scène théâtrale à la manière de la tournée Diamond Dogs : il veut aller au delà du succès de ses chansons les plus connues, et offrir une expérience visuelle et émotionnelle totale et inégalée aux centaines de milliers de personnes qui viendront le voir sur scène. Le décor sera donc colossal – avec cette fameuse « araignée de verre » (tirée d’une chanson du dernier album) – et le show inclura de la danse contemporaine et des mini-sketches théâtraux. La setlist – originale, puisqu’elle évoluera un peu avec le temps) – sera centrée sur Never Let Me Down, que Bowie défend envers et contre toute logique, et inclura certains titres peu joués sur scène (All The Madmen, Big Brother, Sons of a Silent Age…), sans prendre non plus de risques inutiles (plus rien de Low !). Le set sera divisé en deux parties, plus un rappel, et comprendra de nombreuses mises en scène de Bowie interagissant avec ses danseurs, et se déplaçant librement sur la grande scène grâce à un micro sans fil, une nouveauté à l’époque. Les spectateurs, ravis ou interloqués, auront également droit de voir Bowie s’envoler accroché à des câbles, grimper avec ses danseurs sur un échafaudage, et même surgir pour le rappel de la tête de la fameuse araignée géante, équipé d’ailes d’ange : pas loin d’un véritable cauchemar kitsch, non ?
Il est intéressant de se pencher sur quelques chiffres de la tournée, qui donnent une idée de sa taille, qui était une première pour l’époque : entre 5 et 6 millions de spectateurs au total, plus de 10 Millions de $ par décor (il y en aura trois en tout suivant la taille des salles !), qui nécessitaient 150 personnes pour leur construction et leur démontage dans chaque salle !
Memory Of A (Not Really) Free Festival…
Nous sommes le vendredi 3 juillet 1987, dans le Parc Paysager de la Courneuve. Nous sommes des dizaines de milliers de personnes massées devant une scène qui nous paraît gigantesques. Moi et mes potes, fidèles des concerts, nous sommes arrivés tôt, très tôt, vers midi, et nous avons pu assurer un précieux premier rang, dont nous ne bougerons plus pendant treize heures. Nous avons pu apprécier un concert de Johnny Clegg avec son nouveau groupe, Savuka, puis un autre de The Cult : musicalement, deux très bons moments, mais qui laissent visiblement froid le public désormais pas vraiment « rock », plutôt « NRJ » de Bowie.
Et enfin, la star est là, devant nous, pour un nouveau show mégalo : Bowie, quelque part, mélange désormais tout dans sa tête, et assimile « rock » (… car, déjà, on parle de « retour du Rock » en 1987 !) et comédie musicale. La scène est alourdie d’un décor d’un indicible mauvais goût (cette araignée de verre géante, tu parles !) ; tout au long du concert, il sera fait un usage immodéré de danseurs « modernes » (pour faire « Art » avec un A majuscule) qui, même s’ils ne sont que cinq en fait, fatiguent rapidement le spectateur le plus tolérant avec leurs ballets grotesques ; pire, Bowie est accompagné par ce que nous ne pouvons que qualifier d’un groupe de « requins de studio », trouvant difficilement une unité, rendant les chansons vaguement chaotiques et creuses, creuses… sans parler du très ridicule Peter Frampton, réchappé (?) de son naufrage des années 70, avec ses soli étirés et gluants, reléguant le brillant et fidèle lieutenant Carlos Alomar au rôle immérité de second couteau… N’oublions pas de mentionner les bruyants intermèdes sonores et dialogués, du genre « urbain », ouaf ouaf ! entre les morceaux… Il faut bien avouer aussi que, dans un style pas si différent, Prince avait atteint la perfection deux semaines plus tôt : en comparaison, Bowie nous a un air de has been, d’étoile déchue…
… sauf que, finalement, le charisme époustouflant de l’homme, de ce Bowie toujours jeune à quarante ans et quelques, toujours félin et superbe, suffira à retourner la situation, et transformer le semi-désastre de la première partie du set, incohérente et banalement pénible (oh, le massacre de China Girl ou de All the Madmen !) en un quasi triomphe… A partir de la superbe version de Big Brother, qui sera le sommet de la soirée pour les fidèles que nous sommes, le concert semble démarrer enfin : Bowie retrouve in extremis ses véritables ailes d’ange pour une bonne heure mêlant (heureusement) peu de morceaux du dernier album, Never Let Me Down, à des classiques de la période berlinoise et aux tubes disco (Let’s Dance, Fame, Modern Love), faisant même culminer l’émotion lors d’une interprétation spectaculaire de Time…
Bilan : l’alchimie Bowie fonctionne encore, malgré tous les handicaps qu’il s’impose stupidement, tels qu’une setlist quasiment uniquement consacrée aux chansons des années 80, les plus faibles de son répertoire, et bien sûr, cette mise en scène au goût douteux d’un spectacle disproportionné… Oui, malgré tout cela, on jurerait que l’avenir lui appartient encore…
… et sa transcription en vidéo et en disque…
… Pourtant, en dépit des ambitions de Bowie et de l’argent investi dans le concept, la tournée sera violemment critiquée par la presse qui la jugera « pompière » et « de mauvais goût » : difficile de ne pas être d’accord avec ce jugement, en dépit du succès commercial qu’elle rencontrera.
Dans la foulée, Bowie sort en 1988 un enregistrement vidéo (en format VHS), réalisé en compilant plusieurs concerts réalisés à Sydney en novembre 1987. Il sera réédité en format DVD et CD vingt ans plus tard. Mais, pour ajouter un peu plus de confusion à l’affaire, Glass Spider désigne aujourd’hui un live at Montréal, qui fut inclus dans le coffret Parlophone Loving The Alien. Les tracklists sont quasi similaires, si l’on excepte l’inclusion sur certains formats de l’édition 2007 de reprises de I Wanna Be Your Dog et White Light White Heat.Il faut bien reconnaître que nous n’avons jamais eu le courage de comparer minutieusement les enregistrements de Sydney avec celui de Montréal, tant l’écoute de Glass Spider – sans les images, car celles-ci, aussi laides soient-elles, aident à passer le temps – est peu engageante.
Le démarrage du concert sur Up the Hill Backwards / Glass Spider / Up the Hill Backwards est une véritable horreur, et la setlist offre son content de massacres inacceptables de belles chansons : le summum est atteint avec la réinterprétation littéralement criminelle de All The Madmen, qui brisera littéralement le cœur de n’importe quel vrai fan de Bowie. Les titres extraits de Never Let Me Down sont clairement les plus anodins du concert, même si, sans surprise, Time Will Crawl – une bonne chanson, oui ! – sauve un peu la mise. La version très correcte de Big Brother nous permet en outre d’entendre une rare interprétation live the Chant of the Ever Circling Skeletal Family.
Il est vrai aussi que la seconde partie du set est un peu moins emphatique que la première, plus écoutable, en dépit de versions « molles du genou » de The Jean Genie, de Fame ou de Modern Love. Time est interprétée de manière à peu près respectueuse de l’original (au moins avant un final où guitare et synthés tentent de gâcher notre plaisir) et on comprend qu’à l’époque, elle ait rassuré les (encore) jeunes fans que nous étions : c’est le sommet de ces deux heures et quelques de concert.
Les critiques assassines à travers le monde décevront beaucoup Bowie (qui se consolera quand même avec les bénéfices réalisés par The Glass Spider Tour), mais l’amèneront – heureusement – à reconsidérer son approche des concerts.
Quant au spectateur « moyen », si je me souviens bien des propos entendus autour de moi, lors de la longue marche, à une heure du matin, pour sortir du Parc de la Courneuve, il fut globalement ravi…
Eric Debarnot
Un show très lourd et indigeste avec un Bowie paumé sur la scène comme dans son répertoire. Les interludes avec les 5 danseurs chanteurs sont pénibles. Les vieux classiques subissent tous les outrages du son de l’époque, le pire étant Time massacré avec un ricanement pathétique. Quant aux nouvelles chansons, on ne s’attend à rien…on est pas déçu. Le paysage sonore est dévasté par un chant criard ou/et faiblard, des soli de guitares malaisants, des cuivres stridents et une batterie assommante et on ne parle même pas du look de Bowie….une espèce de Transformer façon Las Vegas. Un passage à vide qui laisse pantois. Ou est passé le virtuose des années 70 ? Franchement la rupture avec Visconti me parait être une catastrophe tant Bowie enfile les daubes depuis 1984.
On est bien d’accord ! Même si je garde u bon souvenir de la version de Time jouée à la Courneuve (pas de ricanement, me semble t -il, mais ma mémoire peut me jouer des tours !).
Le ricanement sur Time est sur la version de Montréal….. vers 2,36 minutes…il y avait de quoi le faire disparaitre au mixage final…on dirait une verrue…quand on compare avec la version originelle….Je garde aussi le souvenir de Bowie avec des chaussures ailées…gloups….Vite les années 90…parce que Tin Machine casse la tête et ne sauv » pas la mise d’une décennie pourrie…
Pourquoi Frampton chante sur Sons of the Silent Age ? POURQUOI ???
Tu es sûr que c’est lui ? C’st très laid en tous cas !
Sur la video de Sydney, c’est Frampton qui chante en effet et je vous épargne la chorégraphie…ça pique fort. Même Bowie fatigue…l’exemple de Modern Love à la fin tde Montréal est très criard et éraillé sur un sax insistant…et le son même du live est mauvais. J’aime pas quand Bowie chante comme ça. Visconti, qui en voulait à Bowie de l’avoir planté pour Niles Rodgers, a du savourer sa vengeance à chaque sortie des années 80….Il lui aurait évité tant de fautes de goût.