L’escrime est un sport magnifique, dans laquelle les Français excellent, qui est malheureusement peu vu sur nos grands écrans. On remerciera vivement Vincent Perez de combler cette lacune avec son Une affaire d’honneur, c’est seulement dommage qu’en dehors des duels, il n’y ait pas grand chose dans son film…
Cela fait bien un demi-siècle que le « vrai » film de cape et d’épées ne fait plus recette, même si une nouvelle adaptation vaine de Dumas, comme celle qui encombre nos écrans en ce moment, tente régulièrement de lui redonner vie : le corollaire logique de ce désintérêt du grand public est l’absence de l’escrime, un sport où les Français excellent pourtant, dans le cinéma. Bon, on exagère un peu, on se battait bien au sabre dans la série Pirates des Caraïbes, et aussi au sabre-laser dans Star Wars, mais on ne peut nier qu’on est là bien loin de la « bonne pratique » de l’épée ou du fleuret.
C’est sans doute la constatation qu’a fait Vincent Perez, ex acteur joli cœur du cinéma français des années 90 et un peu plus discret depuis, mais surtout amoureux de ce noble art : il a donc co-écrit et réalisé ce Une affaire d’honneur, plaçant l’escrime au centre de son histoire, qui traite de la pratique des duels pour régler les différents dans la « haute société » française, en particulier à la fin du XIXème siècle.
Une affaire d’honneur ne compte pas moins de cinq duels, qui constituent, et ils sont conçus comme tels, les cinq moments forts du film : d’abord un duel sportif entre Lacaze et un concurrent / ami espagnol, qui est sans doute le plus beau, le plus spectaculaire, dénué qu’il est de tout réel suspense (nul ne va mourir, on s’en doute, même si une blessure est toujours possible…), puis deux duels à l’épée, un au pistolet, et un au sabre (à cheval !). Chacun est mis en scène dans un contexte et un décor différent, ce qui évite toute redondance et tout ennui. Vincent Perez a donc parfaitement réussi son pari – même si le duel au pistolet, pour réaliste qu’il soit, sort un peu du cahier des charges initial – et les amoureux d’escrime, comme nous, seront forcément comblés.
Le problème est qu’il fallait une histoire et des personnages pour en faire un film… On est en 1887, et le souvenir de la boucherie et de la cuisante défaite de la guerre de 1870 contre les Allemands reste omniprésent au sein de société française : l’Armée toute-puissante a mal digéré le désastre, et les survivants des champs de bataille, comme le maître d’armes Clément Lacaze, ont été profondément traumatisés par ce qu’ils ont vécu. Lacaze, bretteur de très haut niveau, va voir son neveu Adrien se faire tuer en duel par une brute galonnée, Berchère, et n’aura de cesse de venger cette mort. Son chemin va croiser celui de Marie-Rose Astié, suffragette et militante acharnée pour l’égalité de la femme…
C’est là un scénario potentiellement riche, complexe, qui aurait sans doute mérité que Perez lui attache plus d’intérêt qu’il ne lui en a témoigné, semblant surtout se préoccuper ici de soigner ses décors, ses costumes, sa photographie, comme dans tout « film » d’époque de bonne tenue. En ce qui concerne ses personnages, c’est un échec patent, puisqu’aucun n’existe vraiment à l’écran, aucun ne dégage la moindre émotion. Pire, aucun ne fait réellement sens : Dora Tillier a beaucoup de présence à l’écran, mais on a le sentiment gênant que son personnage de féministe avant l’heure sert surtout à 1) enrichir une histoire de vengeance qui en elle-même est assez faiblarde, 2) cautionner une certaine actualité du propos, en fustigeant la France rétrograde de l’époque ; Roschdy Zem, acteur pourtant régulièrement remarquable, ne sait pas quoi faire (à part la gueule…) pour incarner un personnage dont ni le traumatisme ni les motivations ne sont jamais réellement perceptibles à l’écran ; le talentueux Guillaume Gallienne n’a, quant à lui, rien à jouer, tandis que le souvent touchant Damien Bonnard semble à côté de la plaque dans la plupart des scènes qu’on lui a confiées.
En résumé, en dehors de l’escrime, il n’y a rien de vraiment intéressant dans Une affaire d’honneur, un film que lequel le souvenir des Duellistes de Ridley Scott, avec un sujet similaire, jette en outre une ombre majestueuse (… même s’il nous faudrait le revoir pour vérifier s’il est aussi bon que dans notre mémoire !). Suggérons donc à Vincent Perez de trouver d’autres véhicules à sa passion : un beau documentaire aurait bien mieux fait l’affaire pour célébrer la grandeur de ce sport !
Eric Debarnot