Franck Courtès a lâché son métier de photographe pour devenir écrivain. En attendant de pouvoir vivre de sa plume, l’auteur fait des petits boulots. Dans À pied d’œuvre, il fait le récit de sa nouvelle vie d’homme ubérisé.
C’est l’histoire d’un homme qui a abandonné un jour son métier de photographe pour devenir écrivain, un métier qui l’a longtemps nourri, et même grassement, qui l’a passionné durant des années mais sur lequel il a décidé un jour de faire définitivement une croix. Malheureusement, la littérature ne nourrit pas son homme comme la photographie a pu le faire par le passé. En attendant de connaître le succès et de pouvoir vivre de sa plume, il faut trouver de l’argent pour se nourrir, se loger. Pour cela, l’auteur décide de se lancer dans les petits boulots via une plate-forme qui lui permet d’entrer en relation avec des clients.
Lui, qui n’avait jamais connu la souffrance de l’effort physique contraint, des gestes répétitifs, des ports de charges lourdes, lui, dont le corps n’est pas taillé pour les métiers de force, va vivre une douloureuse expérience à courir aux quatre coins de Paris pour démonter des meubles, débarrasser des gravats, monter et descendre des escaliers à ne plus en finir et sentir son corps, petit à petit, le lâcher… un tribut lourdement payé en échange de quelques euros par jour…
Après Les liens sacrés du mariage, Franck Courtès nous raconte son expérience de cette forme d’esclavage moderne qui s’est installée dans notre société, que l’on appelle « ubérisation », quand des gens sous-payés sont capables d’accepter n’importe quel boulot pour pouvoir survivre.
Franck Courtès tisse un récit passionnant, édifiant, racontant son quotidien d’homme à tout faire, attentionné et compréhensif, répondant aux besoins de clients en tout genre. Non sans humour, l’auteur évoque cette vie nouvelle, lui dont l’ex-femme et les enfants sont partis vivre au Canada et dont les amis et la famille semblent dubitatifs, pour ne pas dire inquiets, face à cette nouvelle vie qu’a choisi pour cet homme de 50 ans qui n’a pas vraiment le profil du « bon manœuvre ».
Ses failles, ses doutes, ses souffrances et ses choix parfaitement assumés, tout cela, Franck Courtès le raconte avec beaucoup de lucidité dans un livre ponctué de nombreuses anecdotes sur son métier d’aujourd’hui, et aussi sur celui d’avant, quand il côtoyait les stars, derrière l’objectif de son appareil photo.
Dans les années 70, d’autres avant lui ont fait ce choix de devenir « simple ouvrier », notamment Robert Linhart qui a raconté son expérience dans son livre L’apprenti. Une démarche politique et intellectuelle dont ils sont vite revenus. On espère en tout cas que Franck Courtès ne laissera pas sa peau dans cette expérience éreintante.
Benoit RICHARD