Adaptation britannique d’un roman plutôt bas de gamme du stakhanoviste du polar populaire, Harlan Coben, Double Piège (Fool Me Once) arrive à nous intéresser grâce au talent de ses interprètes, une caractéristique habituelle de la télévision britannique. Pas si mal…
Le nom de Harlan Coben au générique d’un film ou d’une série est à la fois la garantie d’une bonne intrigue policière qui nous tiendra accrochés jusqu’à une conclusion en général bien ficelée, et, malheureusement aussi d’un alignement de poncifs qui ont fini par fatiguer, à la longue : énigme trouvant sa source dans le passé, poids de l’hérédité et des lourds secrets familiaux, enquête menée par un héros sous la pression de la police qui le soupçonne, et quelques dérapages bien réactionnaires. Double piège (Fool Me Once, en VO, un titre tout aussi bidon que la « traduction » française, Coben étant spécialiste des titres sibyllins) est un roman datant de 2016, qui n’a pas fait beaucoup de bruit, et que l’on peut aisément considérer comme l’un de ses moins intéressants, voire les plus antipathiques, l’auteur se livrant à de nombreux commentaires déplaisants : on y aura ainsi appris que cuisiner est une occupation stupide réservée aux pauvres, que le « second amendment » est évidemment sacré, que prendre plaisir à utiliser une arme pour tuer n’a rien de répréhensible… et bien sûr qu’il n’y a rien de vraiment mal dans le fait de massacrer volontairement des civils innocents parce que la priorité est de sauver des soldats Américains.
L’histoire de Double piège tourne autour d’un personnage principal inhabituel chez Coben, une femme ! Maya est une « vet » d’une guerre au Moyen-Orient, souffrant de traumatismes violents qui la tiennent éveillée la nuit… Maya doit également – une bagatelle – affronter les assassinats successifs d’abord de sa sœur, et ensuite de son mari, dont elle a été directement la témoin, ce qui a attiré l’attention de la police sur elle. Tout familier des fictions « cobeniennes » retrouvera alors vite ses marques, avec une réapparition du mari mort sur l’écran d’un babyphone, avec la riche et toute-puissante famille belle-famille qui est le nœud du mystère, et avec un événement enfoui dans le passé, qui, inévitablement va ressurgir.
On se plaint, mais, fondamentalement, le côté « policier » fonctionne correctement jusqu’à une jolie révélation finale, le téléspectateur ne s’ennuyant jamais grâce à de multiples rebondissements au fil des épisodes (à condition de ne pas être, évidemment, trop exigeant au niveau de la logique de toute l’histoire !). Mais fondamentalement, si Double piège est presque une bonne série, c’est à sa « britannicité » qu’elle le doit, avec un indéniable « nettoyage » des aspects trop US, trop réactionnaires de l’histoire, et avec l’introduction de personnages plus riches, plus complexes, comme ceux – passionnants et touchants – de la paire de policiers Sami Kierce et Marty. Et, comme c’est presque toujours le cas avec les séries TV britanniques, la qualité générale de l’interprétation, en commençant par la séduisante et crédible Michelle Keegan, est impeccable, nous permettant de passer outre les quelques incohérences du scénario.
On reste donc avec Double piège dans le domaine de la série TV de base, de pur divertissement, mais sans non plus rien de honteux. Ce n’est pas si mal…
Eric Debarnot