Martin Provost raconte sur près de 50 ans, la relation entre le peintre Pierre Bonnard et Marthe, sa muse, épouse et compagne. Un tableau assez communicatif d’un hédonisme perdu.
Dans la nombreuse série de films récents s’attachant à mettre en valeur les épouses laissées dans l’ombre (Napoléon, Maestro, Priscilla pour les seules dernières semaines), le nouveau projet de Martin Provost trouve sa place légitime. Familier des portraits de femme (Sage Femme, La Bonne épouse, Séraphine), le réalisateur y dépeint, sur près de 50 ans, la relation entre le peintre Pierre Bonnard et Marthe, muse, épouse et compagne au long cours. « Vous vivez par le regard d’un peintre, c’est la seule chose qui compte », explique-t-on rapidement à cette femme qui cherche à définir sa place, alors qu’on lui refuse d’être mère tandis que l’entourage de l’artiste lui reproche de brider la création de son compagnon.
L’académisme relatif de la reconstitution le dispute assez rapidement à une retranscription assez vive de la fébrilité du milieu artistique du XXème siècle naissant. Le ton fantaisiste et volontiers théâtral multiplie ainsi les courses, les allées et venues et un cabotinage qui n’est pas dénue de saveur, l’occasion de joutes entre les deux amants se répercutant sur un milieu de la haute bourgeoisie parisienne (la muse Misia Sert, délicieusement incarnée par la décidément indispensable Anouk Grinberg) et les artistes en vue dont Monet et l’avant-garde contemporaine.
Martin Provost rencontre cependant certaines difficultés lorsqu’il s’agit d’approfondir les enjeux, hésitant plusieurs fois dans l’angle à donner à certains échanges : l’originalité (la belle dispute entre Marthe Et Misia, immergées dans la Seine) côtoie ainsi des crises conjugales beaucoup plus convenues (tout l’arc avec Renée), et l’épilogue se traîne en longueur pour donner à voir la longévité du couple. Reste la part belle accordée à l’activité créatrice (longs crayonnés, application de craie ou de de gouache) en complément de jours heureux dans une maison normande sur la Seine, nourrie par la complicité de comédiens (Cécile de France et Vincent Macaigne, solaires et spontanés) et aussi à l’aise avec leur rôle que leur corps, pour un tableau assez communicatif d’un hédonisme perdu.
Sergent Pepper