Et l’assez triste histoire de Tin Machine se boucle de manière médiocre avec un album live, Oy Vey, Baby, qui n’excitera personne. Et qui prouve, s’il le fallait, que Bowie ne peut pas être le membre anonyme d’un groupe de rock « standard ».
Alors que Bowie joue au dur avec ses lascars de Tin Machin(e), il lui vint un jour l’idée saugrenue de parcourir le vaste monde pour asséner au public les chansons du groupe après deux albums studio. De cette tournée jaillit, au milieu de nombre des sorties pirates de l’époque, Oy Vey, Baby, un Live Officiel qui fit un bide mémorable, une bonne dérouillée pour son aventure en ferraille..
Après des répétitions à Saint-Malo et à Dublin, Tin Machine prit les voiles pour faire escale dans les salles américaines, nippones et européennes, avec le guitariste Eric Schermerhorn, comparse d’Iggy Pop. Intitulée It’s my Life tour en référence au tatouage dans le dos de Hunt Sales – à l’origine, d’ailleurs, du titre de l’album Oy Vey, Baby, clin d’œil à l’album Achtung Baby de U2 de la même année –, cette tournée vit le groupe mener sa barque tant bien que mal avant de prendre l’eau et de sombrer définitivement sans fleurs ni couronne.
Pas de malentendu ! Le teeshirt « Fuck You I’m in Tin Machine » porté alors annonce la couleur : Bowie continue de se fondre dans le groupe, abandonnant les anciens titres de sa belle carrière. Même si les fans espèrent – en vain – le retrouver , Bowie se revendique simple chanteur de groupe de rock, tandis que le grand public passe à côté de Tin Machine qui n’arrive pas à rameuter les foules. L’affaire est donc mal engagée. Toujours soucieux d’oublier sa vie antérieure, bien rasé de près et souvent torse nu, Bowie chantait uniquement le répertoire de Tin Machine, ainsi que des reprises de groupes tels que Roxy Music ou les Pixies. Etrangement, l’album Oh Vey Baby ne compile que huit titres – le minimum syndical – comme si le reste était de trop… de peur de lasser ? Que dire de ces 47 minutes de rock sans fioritures, très cogneur en batterie et rageur en guitares, passant de manière monotone pour tout dire ? On a l’impression d’entendre toujours le même son, de la reprise de Roxy Music à You Belong In Rock’n’Roll. Quand on a usé Hunky Dory ou Low jusqu’au dernier sillon, ça pique un peu, et ça ennuie beaucoup. Le titre Staside chanté par Hunt Sales peine pendant 8 minutes bien trop longues, avant que Heaven’s In Here ne s’éternise, lui, pendant 12 minutes. Quelquefois, ça dépote bien (Under The God, I Can’t Read), mais ça accroche quand même les oreilles. Et surtout ça n’apporte rien de nouveau par rapport aux groupes de l’époque : le Bowie rock de Scary Monsters est bien plus accrocheur, et de loin… Il existe également une vidéo de Tin Machine intitulée Oy Vey, Baby, qui, contrairement à l’album qui inclut des titres de différentes dates de la tournée, documente une performance unique du groupe : le concert du 24 octobre 1991 aux Docks de Hambourg en Allemagne. Et c’est franchement soporifique !
Tin Machine besogna sans vergogne, les critiques s’en cognèrent, et le public fit la trogne. Bowie connut alors sa pire gamelle commerciale depuis des lustres. Avec les tensions provoquées par le comportement imprévisible du batteur plombé par les drogues, cela sonna la fin du groupe pour un Bowie déjà à l’affut de nouveauté, larguant les frères Sales dans son sillage. Seul rescapé du naufrage ? Reeves Gabrels, embarqué dans ses bagages pour une carrière de nouveau solo.
Son tourneur Alain Lahana résuma ainsi l’histoire : « On ne peut pas dire qu’on est à part égale avec quelqu’un comme Bowie dans un groupe. Le fait même que ce soit un groupe est une anomalie. C’était un groupe super mais Bowie est Bowie. C’est lui le leader, c’est lui qui conduit de toute façon. Un projet dans lequel il était, il le vampirisait de toute façon. » A l’évidence Tin Machine était exsangue, il fallait désormais à Bowie une nouvelle proie.
Amaury de Lauzanne