« La Tête froide », de Stéphane Marchetti : Une femme à la frontière du bien et du mal

Pour son premier film de fiction, Stéphane Marchetti signe un thriller social abordant le thème des migrants clandestins. Un film porté par une Florence Loiret Caille épatante dans le rôle principal.

La Tête froide: Florence Loiret Caille

Souvent abordé au cinéma avec plus ou moins de réussite (Welcome, Libre, Les engagés, Moi capitaine…), le thème des migrants clandestins est au cœur du premier film de Stéphane Marchetti. Auteur par le passé d’un documentaire tourné à Calais sur ce même sujet, le réalisateur – qui a reçu le Prix Albert-Londres en 2008 pour un reportage dans la bande de Gaza – passe à la fiction pour raconter la rencontre entre deux personnages au parcours de vie différents mais qui vont se retrouver en embarqués dans la même galère.

La Tête froide: Florence Loiret CailleMarie est une femme vivant seule, séparée de sa fille qu’elle voit rarement, qui vit toute l’année dans un mobile-home sur un camping. Serveuse dans un bar à Briançon, mais fauchée comme les blés, elle arrondit ses fins de mois en faisant du trafic de cigarettes entre la France et L’Italie. Et puis un jour, elle accepte, suite à sa rencontre fortuite avec Souleymane (Saabo Balde, découvert dans Twist à Bamako), un migrant à qui elle a fait passer la frontière franco-italienne, d’accepter un business qui consiste à aller chercher des clandestins à Turin pour les déposer à Briançon, en échange de quelques centaines d’euros.

La tête froide est un film qui se veut le plus réaliste possible pour raconter comment s’organise les passages de clandestins, comment des citoyens lambda peuvent accepter de participer à un trafic au péril parfois de leur vie et en s’exposant à de graves sanctions pénales.

Si le scénario peut paraître par moment quelque peu convenu, avec des ressorts dramatiques attendus et quelques faiblesses au niveau de certains personnages comme celui de la fille de Marie, sa grande force réside d’abord dans l’interprétation de l’actrice principale, Florence Loiret Caille, totalement bluffante dans ce rôle de fille perdue, fragile et fatiguée, prise entre, d’un côté, le désir d’argent facile et de l’autre, celui d’aider des migrants à aller vers une vie meilleure.

Et toute l’ambiguïté de ce personnage est plutôt bien rendue à l’écran, avec un Stéphane Marchetti filmant au plus près les gestes, les regards, les humeurs, l’inconscience de son héroïne, engagée dans un jeu dangereux, risquant à tout moment la catastrophe dans ces montagnes hivernales si hostiles en hiver.

Loin de l’image glamour des stations de ski colorées, La tête froide montre ici la montagne sous un jour peu accueillant, où vivent des populations pauvres et où le travail est quasi inexistant en dehors de l’activité touristique.

Un film plein de pudeur, qui ne verse jamais dans l’émotion facile ni le manichéisme, dans lequel sont abordés les thèmes de la précarité, de l’isolement et la solidarité, par un réalisateur qui maîtrise parfaitement son sujet, le tout dans une réalisation sans fioriture, qui va à l’essentiel.

Benoit RICHARD

La Tête froide
Film de Stéphane Marchetti
Avec Florence Loiret Caille, Saabo Balde, Jonathan Couzinié…
Genre : Drame
Durée : 1h 32min
Date de sortie en salle : 17 janvier 2024