Pour son 3e album, Slift a bâti un mur du son en béton armé, avec 8 titres pour 1h20 de musique dantesque, étourdissante, épatante, qui vous résonne dans la tête longtemps après que le disque soit terminé. Chef-d’œuvre !
On avait repéré Slift en 2018 avec un premier album prometteur (La planète inexplorée), vite confirmé en 2020 avec l’impeccable Ummon, dans lequel le groupe musclait sa production et mettait les pleins gaz pour partir à la conquête des étoiles, à la vitesse de la lumière. Comptant parmi les groupes les plus les plus ébouriffants de la scène rock française actuelle, le trio toulousain, à l’aube de ce 3e album, quittait le petit label bordelais Vicious Circle pour aller garnir les rang de la maison Sub Pop records, qui avait accueilli, il y a 30 ans, on s’en souvient, un autre groupe français très sonique lui aussi, les Thugs.
Pour ce troisième LP, construit à la manière d’une histoire homérique, Jean et Rémi Fossat, et leur ami Canek Flores ont vu les choses en très grand, bâtissant une imposante cathédrale sonore, imposant leur style fait de Stoner rock psychédélique, de Post-rock et de Space-rock opéra gothique et baroque, comme ils l’avaient fait déjà par le passé, mais sans atteindre la puissance et la grandeur qui se dégagent de cet album.
Porté par le chant, pour ne pas dire les hurlements féroces de Jean Fossat, le premier morceau (plus de 11 minutes), donne le La d’un album dans lequel la tension ne redescend jamais ou presque. Et c’est ensuite un déluge sonique qui s’abat sur nous durant près d’une 1h20, nourri par un ensemble chant / guitare / basse / batterie, avec ici quelques synthés, ou là, des notes du saxophone d’Etienne Jaumet.
On retrouve, comme sur le précédent album mais avec une intensité plus grande encore, les influences de Godspeed You! Black Emperor, mais aussi certaines venues du post-hardcore, du rock gothiques des 80s, ou encore d’autres, moins évidentes, comme Led Zeppelin, ou les Suédois de Goat… on pense aussi par moment à The God Machine.
D’une densité remarquable, avec des morceaux qui tournent autour des 10 minutes chacun, Illon – qui tire son nom de la ville de Troie, en grec ancien – est un album à digestion lente, un disque que les plus frileux écouteront par petits bouts, et que les plus aguerris s’enfileront d’une traite. Un disque plus brutal encore que les précédents, qui montre que le trio toulousain n’était pas allé encore au bout de ses idées, faisant hurler les guitares comme jamais, avec des rythmiques tonitruantes, propulsant l’auditeur dans un tourbillon infernal duquel il ressortira lessivé, comme pris d’une forme d’ivresse bien agréable.
Souhaitons à Slift de connaître le même succès que les Thugs. En tout cas, le rouleau compresseur est en marche, prêt à tout écraser sur son passage pour atteindre des sommets amplement mérités.