2024 commence bien au Supersonic, avec les très prometteurs Children Of The Pope, porteurs d’une gentille folie pop / garage, et les solides Parisiens de Seesters. Le Rock agité dans tous ses états, et ça fait plaisir à voir et à entendre !
Retour au Supersonic pour une soirée très prometteuse, la découverte sur scène de Children Of The Pope, un combo qui fait le buzz en ce moment à Londres, et que l’on nous présente comme faisant partie d’un courant vaguement « crade » dans la lignée des Black Lips ou de Fat White Family. Si les singles disponibles sur les plateformes de streaming paraissent bien sages, les Londoniens bénéficient d’une excellente réputation scénique…
20h30 : On commence, comme c’est souvent le cas au Supersonic, par un groupe local débutant : c’est bien sympathique d’aider les débutants, mais ce n’est pas toujours, évidemment, synonyme d’une bonne expérience musicale pour le public… sauf bien sûr pour la famille et les amis des musiciens qui sont toujours largement présents !
Heureusement, ce soir, Kobalt a le mérite de l’originalité ! Pas de post punk, dieu merci, on est plus dans un rock classique où la guitare, presque toujours en solo, bavarde intensément sur une rythmique elle aussi adepte de la fantaisie (joli travail du bassiste, il faut le souligner)… Et avec une petite chanteuse blonde qui ne manque pas de présence, même si pour le moment elle donne l’impression de se demander ce qu’elle fait là sur scène… Elle chante d’une voix basse et souvent joliment théâtrale, ce qui nous change plaisamment des voix de lolitas si populaires en France (la tradition Gainsbourg ?). Cerise sur le gâteau, pas mal de textes en français ! Il est dommage que le groupe, dans cette configuration sans guitare rythmique, manque de puissance, préférant les circonvolutions et les volutes à l’efficacité rock. On sent, logiquement, de l’immaturité (ces jeunes gens n’en sont qu’à leur troisième concert ensemble, et ont encore peu de chansons qu’ils ont composées, musclant leur set de reprises – que, à notre grande honte, nous n’avons pas reconnues !), mais ces 40 minutes s’avèrent bien sympathiques, ma foi !
21h30 : On voulait de la puissance, le groupe suivant va nous en offrir : Seesters, encore des Parisiens, est un groupe lui aussi relativement récent, mais solide techniquement, dans une ligne garage rock très classe, allant parfois vers le metal : ils ont un chanteur élégant et agréablement cynique (« Je suis trop genré », « Jouer de la guitare, c’est chiant », « Je ne joue pas bien, lui joue mieux… » etc.), à la voix « iggypopienne » intéressante, un bassiste élastique armé d’une superbe Rickenbaker, un guitariste soliste virtuose et un batteur qui frappe particulièrement dur. Le son est assez magnifique, lourd et riche, les chansons sont certes sans réelle surprise, mais profondément satisfaisantes. Et ils ont une spectaculaire capacité d’accélération et de montée en puissance au milieu ou à la fin de certaines chansons, et en particulier sur le roboratif et très psyché single Lose & Bow, qui vient de sortir, et qui sera l’un des sommets du set. 45 minutes qui se termineront dans un fracas bien satisfaisant. Bref, si Seesters n’ont pas inventé le Rock, qu’est-ce qu’ils le jouent bien !
22h35 : Forêt de micros alignés au premier plan de la scène : c’est que Children Of The Pope pratiquent le chant en chœur, à trois ou quatre. Avec des mélodies simplissimes – même s’ils se réclament parfois des Kinks ! – mais ludiques dans un esprit early sixties, qu’ils braillent tous ensemble comme s’ils faisaient partie de la chorale du lycée, l’ambiance dans le Supersonic est vite à la joie générale : les « Sha La La La » du mini-tube Junkie Girlfriend sont impossibles à ne pas reprendre tous ensemble, en agitant nos petits bras en l’air et avec un grand sourire-banane sur le visage.
Ce qui n’est pas discernable malheureusement sur leurs enregistrements en studio, c’est combien tout cela est soutenu par une énergie folle, dans une tradition garage psyché décidément inépuisable. Après un court round d’observation mutuelle, le groupe décolle littéralement et le pogo est général dans la salle (une bonne chose que la Supersonic n’ait pas été comble ce soir, on a quand même pu éviter d’être au centre d’une bousculade indescriptible comme c’est parfois le cas !).
Juno Valentine, co-fondateur du groupe avec le batteur Guilherme Fells, est à l’extrême gauche de la scène : il a coupé sa moustache mais porte ses habituelles lunettes noires, et en dépit de sa décontraction, son imposante stature contraste avec sa petite voix féminine. Le reste des musiciens déploie des trésors d’énergie pour nous transmettre cette gentillesse et ce sens du « fun » qui transpire littéralement de la musique du groupe (… et qui le distingue, à notre avis, de références comme Fat White Family et Black Lips).
Impossible donc de quitter le Supersonic à 23h30 sans un sentiment de profonde satisfaction, après le plaisir offert par Children Of The Pope, l’énergie terrassante de Seesters, et même les promesses de Kobalt.
Texte et photos : Eric Debarnot