On aurait aimé savoir répondra aux questions que vous vous êtes posées, ou pas, sur le procès des attentats du Bataclan.
Bahareh Akrami cumule les rôles de victime des attentats de novembre 2015, de témoin candide, de chroniqueuse sérieuse mais divertissante et, plus surprenant, d’illustratrice talentueuse.
Le soir du 13 novembre 2015, Bahareh Akrami (dite Baboo) était attablée avec son compagnon et des amis autour d’une table de bar. Elle était enceinte et la soirée était douce. Jadis, craignant pour leur vie, ses parents avaient fui l’Iran des mollahs. Ici, à Paris, elle s’estimait en sécurité. Soudain des tirs éclatent. Notre monde civilisé s’effondre. Le restaurant est jonché de morts, de sang et de blessés. Baboo et ses amis ont été épargnés.
Baboo va accoucher, puis s’efforcer d’oublier. Ce n’est qu’à l’annonce de l’ouverture du procès qu’elle se porte partie civile. Elle tente alors de concilier sa vie de famille – sa fille a 5 ans – son travail et les audiences, en suivant le procès sur la web-radio officielle. Très vite, elle éprouve le besoin de raconter ce qu’elle voit, entend et vit sur Instagram. Or, elle ne manque pas d’humour. Elle parvient à dédramatiser les débats, tout en cherchant à comprendre les subtilités des échanges entre avocats et juges. Souvent, un mystérieux canard au long cou vient clore les compte-rendu de séance. Le succès est rapide. En quelques jours, Baboo devient l’une des chroniqueuses les plus lues et les plus commentées de ce procès considéré par tous comme « historique ».
On aurait aimé savoir est plus un livre illustré, qu’une bande dessinée classique. Son trait est souvent naïf, mais toujours expressif. Baboo se définie elle-même comme une « experte en gribouillis pour parler de choses sérieuses ». Elle mélange récit factuel, réflexions personnelles, autodérision, ironie, jargon et références contemporaines.
Les premières pages donnent le ton : les balles sifflent dans le bar, elle se précipite sous la table, qui lui offre une bien maigre protection. Elle s’identifie alors aux enfants de Jurassic Parc qui assistent, terrorisés, à l’entrée du vélociraptor dans la pièce où ils se sont réfugiés. Qui n’a pas revécu, terrifié, cette séquence ?
Que nous dit-elle ? Que la justice fonctionne plutôt bien en France, que les accusés, objectivement des seconds-couteaux – les tueurs se sont donnés la mort et les commanditaires semblent tous avoir été tués en Syrie – ont bénéficié de l’appui de la crème du barreau parisien, et que les enquêteurs ont souvent été malmenés par les questions des avocats. Les accusés parlent peu, de nombreuses questions restent sans réponse, d’où le titre, mais les charges sont lourdes et le verdict sera, au final, sans surprise.
Stéphane de Boysson
On aurait aimé savoir. Chronique du procès des attentats du 13 novembre
Scénario et dessins : Bahareh Akrami
Éditeur : Steinkis
320 pages, 22 €
Date de parution : 2 novembre 2023
On aurait aimé savoir – Extrait :