[Live Report] GA-20 et HEEKA à la Boule Noire (Paris) : « listening to the wrong shit ? »

Gros évènement hier soir pour les amateurs de Blues vivant et excitant, le passage des Bostoniens énervés de GA-20 : aucune déception au sortir de ce set énergique et racé. La pure classe !

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GA20 à la Boule Noire – Photo : Eric Debarnot

Choix cornélien ce soir à Paris, le plus difficile d’un mois de janvier jusqu’alors relativement pauvre en concerts : The Vaccines au Trabendo – complet -, Ghost Woman à la Maro – complet -, et GA-20 à la Boule Noire – menaçant la veille d’être complet aussi. Ce sera donc GA-20, d’abord parce que le groupe a une sacrée réputation sur scène…

2024 01 30 Heeka Boule Noire (1)20h : la soirée débute avec une jeune femme du Sud-Ouest, mais d’origine flamande, HEEKA : elle est seule sur scène, semble un peu tendue (ce qui est logique pour une jeune artiste débutante), elle a une voix magnifique et plaque des accords brutaux sur sa guitare électrique. Une grande force émotionnelle se dégage immédiatement de sa musique – étiquetée « punk folk », ce qui veut tout et rien dire -, qui est raide et pas très aimable. Le paroxysme de l’intensité est atteint avec The Haunted Lemon, puis avec Dancing in the Dark, deux extraits de son premier album qui vient juste de sortir. Il y a quelque chose chez elle d’Anna Calvi en plus expérimental, en moins mélodique. Un très beau moment de musique sans concession, malheureusement reçu avec scepticisme par la partie du public la plus âgée, la plus « traditionnelle », qui n’est pas forcément ouverte à ce genre de choses. 25 minutes intrigantes, une jeune femme à suivre…

20h40 : Quelques derniers réglages rapides du son, et GA-20, le trio de Boston, lance sa soirée, que l’on pourrait illustrer par leur slogan : « If you dont like Blues, you’re listening to the wrong shit« . Et, on s’en rend immédiatement compte, GA-20, ça joue ! Ça dépote ! C’est sec, c’est nerveux et racé : tout ce qu’on aime dans la musique, quel qu’en soit le genre.

2024 01 30 GA20 Boule Noire Et ça fonctionne avec seulement deux guitares et une batterie, il n’y a même pas besoin de basse quand on a deux bêtes comme Matthew Stubbs (également lead guitariste de Charlie Musselwhite) et Pat Faherty à la six cordes. Chacun à un style radicalement différent : Matthew est un pur classique avec un jeu rêche et plein de soul, Pat est un tout fou (à l’image de sa superbe coupe afro), lâchant des salves de notes sur des glissandos ininterrompus. GA-20 partent du Chicago Blues, « un genre que personne n’écoute ni ne connaît à Boston », nous raconte Matthew quand il revient sur les débuts du groupe en 2018. Mais ensuite, GA-20 courent avec le Blues comme boussole dans des directions originales, tout en restant parfaitement cohérents. Le tout est excitant, fascinant, profondément réjouissant.

On saute d’un style à l’autre sans coup férir, sans douleur, avec une aisance époustouflante. Suivant les titres, chacun prend son solo, quelques fois les guitares dialoguent. Il y a des hommages roboratifs à Hound Dog Taylor, leur idole, leur référence. Il y a un titre avec Pat en solo, il y a Fairweather Friend qui est le morceau le plus pop du groupe, l’introduction du dernier album, Crackdown, datant de 2022, avec une mélodie facile qu’on reprend tous. Pat descend jouer finalement un titre au milieu de la salle quasiment pleine (le concert est annoncé sold out, mais on a de la place pour bouger) et c’est la fête…

2024 01 30 GA20 Boule Noire Dans la Boule Noire, bien entendu, il y a une majorité de fans – assez âgés, et plutôt masculins – de Blues, mais aussi heureusement quelques jeunes… et même une toute jeune fille qui semble vibrer tout autant que nous : tiens, ça fait plaisir que de la belle musique comme ça touche aussi profondément d’autres générations. Le final du set est incandescent, et on en a les larmes qui viennent aux yeux, tellement c’est fort. Un titre en rappel, plus simplement jouissif, permet de redescendre dans la réalité.

1h15 à la fois hors du temps et parfaitement pertinente. GA-20 sont grands. Ils étaient déjà à Petit-Bain en mai 2023, mais on espère qu’ils reviendront vite, vu l’enthousiasme du public parisien : quand ils repasseront, ne les manquez pas ! Ils sont capables de changer radicalement votre perception du Blues !

PS : Ah ! Pour le fan qui a demandé hier soir au groupe, sans être entendu, pourquoi ils s’appellent GA-20, eh bien c’est en référence à un ampli légendaire de chez Gibson…

Texte et photos : Eric Debarnot

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