En revenant avec un second album d’indie pop bien plus sage (mais pas trop, quand même) et surtout avide de conquérir les charts, Courting deviennent bien plus convaincants, mais nous assomment parfois avec leur usage immodéré de l’auto-tune : dommage !
Avouons-le, nous n’avions pas succombé à la hype venue d’Outre-Manche lors de la parution de Guitar Music, le premier album de Courting : intéressant, certes, mais pas complètement convaincant du fait d’une approche brouillonne de la musique, qui empêchait à notre goût le mélange de genres pratiqué de fonctionner. Ce retour (faussement) belliqueux (l’épée au poing, mais dans une mise en scène théâtrale !) des Liverpudlians montre apparemment que nos réticences vis à vis du grand n’importe quoi pratiqué par le groupe étaient partagées, car il s’agit cette fois de montrer « patte blanche » pour entrer plus franchement dans les charts… Une démarche plus commerciale qu’artistique sans doute, mais qui a le bénéfice de nous offrir des chansons plus directement accrocheuses, comme la très énergique introduction de Throw, une petite perle indie pop qui aurait pu entre en concurrence directe avec les tubes des Kaiser Chiefs ou des Cribs (d’ailleurs Gary et Ryan Jarman ont donné un coup de main à la production de l’album !) des années 2000.
Ce qui ne veut pas dire non plus, et c’est heureux, que Courting soient rentrés bien sagement dans le pré-carré de la Brit Pop ver 2.0 : le délire quasi free jazz de The Hills montre que le groupe est à l’écoute des tendances plus modernes du rock anglais (Black Country New Road ou Squid, bonjour !). L’usage de cuivres est d’ailleurs l’une des forces de l’album, empêchant par exemple le très joli Flex de se noyer dans le sucre, avant un décollage final parfaitement consensuel. Emily G est de la Brit Pop pur sucre… au point d’en devenir un alignement de clichés musicaux, qui s’avère, avouons-le, loin d’être désagréables.
Plus loin, Courting se laissent aller à la pop la plus luxueuse et feutrée qui soit, avec un Babys qui viseraient sans honte les charts internationaux si la qualité de la musique faisait encore vendre des disques : une fois encore, on hésite dans notre jugement, tentative « putassière » de séduire le monde ou bien exploration sincère de genres « mainstream » ? Ou encore, et c’est une hypothèse qui tient la route, désir de démontrer que, eux aussi, savent faire ce genre de musique ?
Happy Endings retourne sur le terrain de la pop punky propice aux pogos effrénés, et se révèle d’une redoutable efficacité avec son thème de guitare en pointillés. America est une belle conclusion, un titre beaucoup plus complexe que tous ceux qui ont précédé, six minutes et demies intenses qui prouvent au moins que Courting peuvent facilement dépasser le stade des simples pop songs indie accrocheuses.
Nous avons peu parlé ici des textes des chansons, parce que le débat le plus intéressant à propos du groupe tournera autour de ses choix formels : c’est injuste car les paroles, très souvent astucieuses, drôles, tout en explorant élégamment les difficultés émotionnelles de la génération actuelle valent parfois même mieux que la musique qui les porte. Un paragraphe comme « But I guess, for a moment, we were involved / Not in a Celine Dion way – we watched Amazon Prime / And I slept that night, I hadn’t slept that good in a while / And now I’m crying in the club again / I’ll call when we can be just friends / I swear that’s just some reference that you don’t get » (Mais je suppose que, pendant un moment, nous avons eu une relation / Pas à la manière de Céline Dion – nous avons regardé Amazon Prime / Et j’ai dormi cette nuit-là, je n’avais pas aussi bien dormi depuis un moment / Et maintenant je pleure à nouveau dans cette boîte / Je t’appellerai quand nous pourrons être juste amis / Je jure que c’est juste une référence que tu ne comprends pas) dans America, suggère que Sean Murphy-O’Neill est un jeune homme qui a des choses à raconter et trouve des manières originales, pertinentes en 2024, de le faire…
Nous avons gardé pour la fin le sujet polémique, celui de l’auto-tune, utilisé sans retenue sur une bonne partie des titres de New Last Name : inutile de nier que cet outil nous écorche violemment les oreilles, à nous qui sommes d’une génération dépassée, et gâche régulièrement le plaisir que nous pourrions prendre devant ces chansons vraiment bien troussées. S’agit-il là d’un désir de se conformer aux pratiques actuelles dans la « pop » la plus commerciale, ce qui confirmerait l’hypothèse d’un groupe cherchant la popularité à tout prix ? Ou au contraire, est-ce une affirmation de modernité rebelle, en prenant à rebrousse-poil les vieux rockers usés ? Une expérimentation audacieuse, à la recherche d’une version actualisée d’une indie pop millésimée qui commence à dater ?
La suite nous le dira, sans aucun doute…
Eric Debarnot