Immense joie que ces retrouvailles scéniques avec l’un des groupes « punks » (mais pas seulement…) US les plus intéressants de ces dernières années, The Menzingers, qui ont littéralement mis le feu au Backstage By The Mill : une fête dont on est tous sortis avec le sourire…
On se retrouve ce mercredi soir dans un lieu qu’on ne fréquente pas beaucoup, pas assez sans doute vu la qualité de l’endroit et l’atmosphère très agréable qui y règne – sans même parler d’un son excellent et d’un éclairage beaucoup plus adéquat que dans nombre de salles parisiennes : le Backstage By The Mill, arrière-salle du pub irlandais O’Sullivans à côté du Moulin Rouge (et oui, c’est de ce moulin-là dont on parle !). La raison de notre présence est simple : The Menzingers sont en ville, le genre d’occasion qui ne se manque pas ! Et, avec eux, pour cette tournée, The Menzingers ont amené deux petits groupes US qu’ils soutiennent…
19h20 : on commence avec de l’Indie Rock US typique (ce n’est pas une critique !) et Gladie, groupe de Philadelphie nous semble-t-il, mené par une chanteuse-guitariste très convaincante, Augusta Koch. Avec trois guitares à fond pendant les 30 minutes de set, nous aurions tort de nous plaindre, même si toutes les chansons ne sont pas mémorables à la première écoute. On retiendra le frénétique Nothing et l’accrocheur Born Yesterday, deux titres bien enlevés, bien joués, qui permettent à Gladie de sortir du lot…
20h00 : … et on enchaîne quasiment dans la foulée (pas de changement de matériel entre les deux groupes) avec Prince Daddy & The Hyena : derrière ce nom bizarre, qui n’est jamais expliqué deux fois de la même manière par le groupe, on trouve une bande de punks / slackers qui jouent une musique très typée années 90 (Green Day ?) avec des éléments pop, voire « emo ». Il faut bien admettre que, même si l’énergie déployée impressionne, on sera surtout convaincu par le beau travail du guitariste soliste, qui fait « parler » son instrument avec beaucoup d’émotion. On est plus réservé quant au chant, d’autant que le chanteur sera visiblement très préoccupé tout au long des quarante minutes de leur set par ce qu’il perçoit comme un manque d’enthousiasme apparent du public français (c’est la première fois qu’ils jouent en France, en fait !). Il nous accuse d’être trop « polis » et de ne pas faire assez de bruit… et ça a l’air de l’angoisser un peu…
21h10 : c’est sur du Dire Straits (Hein ? C’est une blague ?) que The Menzingers entrent sur scène. One, Two, Three ! Et c’est avec Hope Is a Dangerous Little Thing que débute leur set : instantanément, tout le Backstage, maintenant bourré, explose littéralement d’une folie exubérante, d’une joie incontrôlable. La preuve est administrée en moins d’une minute aux amis de Prince Daddy & The Hyena que, non, le public français n’est ni indifférent, ni timide, ni poli : juste qu’il a besoin de BONNES CHANSONS pour pogoter, pour hurler en chœur et pour passer un grand moment. Le groupe est absolument ravi, ils nous expliquent que cela fait plus de 10 ans qu’ils n’ont pas joué en tête d’affiche à Paris : ce soir, on va rattraper ensemble tout ce retard ! Les musiciens ont un grand sourire qui ne les quittera plus pendant l’heure et quart qui va suivre. Mais nous aussi, nous aussi, nous savourons ce punk rock roboratif et bruyant, plein de vie, qui nous est offert si généreusement…
Alors comment expliquer ce concert, ce long moment d’exubérance à qui n’y était pas ? Il n’y a pas grand-chose à raconter, en fait : dix-neuf grandes chansons, plus deux en rappel (dont une reprise de Rancid), jouées à cent à l’heure minimum (on exagère, il y a eu UN titre non pas lent, mais un chouia moins rapide !) et toutes sans exception chantées en chœur par le public, la quasi-intégralité du public qui en connaissait les paroles (au moins les refrains… mais il faut admettre qu’il y avait beaucoup d’Américains dans la salle !). Greg Barnett et Tom May alternent au micro, mais Greg nous a soigneusement détruit les tympans avec sa combinaison diabolique Les Paul + ampli Marshall, déversant de la lave en fusion dans nos conduits auditifs pendant tout le concert. Quoi d’autre ? Eh bien, rien d’autre ! Rien d’autre que du f***g rock’n’roll exactement comme on l’aime : pogos ininterrompus – mais dans une bonne ambiance amicale, aucun geste agressif nulle part – et refrains fédérateurs (du genre : « Baby, baby I’ll be good to you / I don’t wanna be an asshole anymore » – Chérie, je veux être un type bien pour toi, je ne veux plus être un trou du cul !)…
… Au point où on est en droit de se demander pourquoi les Menzingers ne sont pas, 20 ans après leurs débuts, un groupe énorme !? Parce qu’ils manquent d’originalité (comprenez parce que leur musique est d’une évidence lumineuse) ? Parce qu’ils manquent de charisme (comprenez parce qu’ils nous ressemblent comme des frères et n’essaient surtout pas de prétendre le contraire) ?
Et le plus beau souvenir d’une soirée riche en émotions fortes, ce sera peut-être ce formidable After The Party qui a clos le set avant le rappel, l’une des meilleures chansons de Greg Barnett, un véritable auteur qui cite aussi bien dans ses textes Minor Threat que Vladimir Nabokov, l’une de ses grandes inspirations : « Everybody wants to get famous / But you just want to dance in a basement / You don’t care if anyone is watching / Just as long as you stay in motion / … / But after the party, it’s me and you » (Tout le monde veut devenir célèbre / Mais toi, tu veux juste danser dans un sous-sol / Tu t’en fiches si quelqu’un te regarde / Tant que tu restes en mouvement / … / Mais après la fête, c’est toi et moi…).
Une excellente conclusion à cette soirée, finalement : après avoir dansé comme si demain n’existait pas, sans se préoccuper du regard des autres, puisque nous étions ce soir entre fans convaincus de The Menzingers, une fois la fête terminée, il fallait bien, chacun, retourner à notre réalité. En essayant de garder quand même au fond de notre cœur un peu de cette chaleur que la musique y a fait naître…
Texte et photos : Eric Debarnot