Avec Une sale affaire, Virginie Linhart analyse et s’interroge sur l’impact qu’a eu le procès intenté par sa mère contre elle, juste avant la publication de son précédent livre, L’effet maternel. Un récit éclairant et saisissant.
En 2020, Virginie Linhart publiait L’effet maternel. Un livre aux accents féministes, dans lequel, elle racontait quelques moments de sa vie, lorsqu’elle était enfant, mais aussi jeune adulte, elle, la fille d’un père et d’une mère Soixante-huitards, ayant connu l’engagement politique, mais aussi la liberté sexuelle des années 70. Un livre qui connut un certain succès pour cette documentariste de métier, qui s’est fait connaître comme écrivaine en 2008, avec son récit Le jour où mon père s’est tu, consacré à Robert Linhart. Un père mais aussi une figure de l’engagement politique des années 70, sociologue, philosophe et auteur du livre L’établi, dans lequel il racontait les quelques mois qu’il a passés comme ouvrier à la chaîne chez Citroën.
Mais, ce que l’on ne savait pas, au moment de la parution de L’Effet maternel, c’est que, quelques mois avant la publication du livre, la mère de Virginie Linhart, ainsi que l’ex-compagnon de l’autrice – père d’un enfant qu’ils ont eu en commun – , simplement appelé E. dans le livre, avaient demandé à ce que des parties du livre soient enlevées, car, selon eux, touchant à leur vie privée. De cette requête, allait découler un procès pour savoir si ce livre allait pouvoir être publié en l’état ou pas. Un procès qui se retrouve être au centre de cette « sale affaire », une étonnante et singulière histoire d’une procédure judiciaire intentée par une mère contre sa fille.
Virginie Linhart a dont décidé de raconter cette « affaire » dans un livre où il sera question, pêle-mêle, de la loi, de la morale, de l’héritage et des relations familiales, et bien sûr la liberté de raconter son histoire personnelle et celles des autres.
Durant près de 200 pages, l’autrice évoque les dessous de ce procès, mais parle aussi d’elle, de sa vie d’aujourd’hui, celle d’une femme, enfant de 68, posant un regard lucide sur sa jeunesse, sur la génération qui l’a précédée, éprise de liberté, d’insouciance, et dont les actes ont impacté à jamais sa vie. Comme dans son précédent livre, elle évoque avec beaucoup de recul les traumatismes vécus, les choses qu’elle a vues et subies, et qui, aujourd’hui continuent d’avoir une résonance sur certains aspects dans sa vie quotidienne.
Malgré la violence que peut représenter le procès opposant une mère et sa fille, Virginie Linhart aborde son récit sans affect particulier, sans rancœur. Avec la sensibilité qui la caractérise habituellement, elle questionne sur la valeur des récits autobiographiques au regard de la loi, et plus généralement sur la question : « à qui appartient l’histoire ?« . Elle tente avant tout de comprendre plutôt que de juger, citant, à un moment du livre, cette célèbre phrase de Philippe Roth : « Quand un écrivain naît dans une famille, c’en est fini de cette famille ». Pas de bol pour Virginie, dans la sienne, il y en avait au moins deux.
Benoit RICHARD