Beaucoup a déjà été écrit concernant le duo entre les Pogues et Kirsty MacColl et sur le récemment décédé Shane McGowan. Avec The Pogues – Fairytale of New York, Yann Liotard réussit quand même à en partie éviter le piège du bouquin qui ferait double emploi.
Sortir un bouquin sur Fairytale of New York, chef d’œuvre des Pogues et chanson de Noël ultrapopulaire de l’autre côté de la Manche, était un vrai défi pour Yann Liotard. Sur la genèse tortueuse du morceau, il y a déjà en français un article de Slate. Son esprit aux antipodes de l’optimisme des fêtes de fin d’année, la censure de ses jurons par la BBC sont également très commentés sur la toile. Sur la vie de Shane McGowan et la construction du projet artistique Pogues, il y a le documentaire Crock of Gold ainsi qu’une biographie autorisée en anglais.
Il était inévitable que le livre fasse en partie double emploi : il était par exemple impossible de ne pas mentionner que McGowan dut son début de notoriété à une photo à la une du NME où on le voyait l’oreille ensanglantée à un concert des Clash. Que faire alors ? Suggérer par exemple que sa naissance un 25 décembre prédestinait un peu McGowan à composer une grande Christmas Song. Ou rappeler que McGowan n’est pas né en Irlande mais sur sol anglais, l’inscrivant dans le club des Irlandais expatriés. Des Irlandais expatriés qui sont un des sujets de la chanson, qu’il s’agisse des deux protagonistes principaux ou des nombreux policiers d’origine irlandaise alors présents dans la NYPD. Le fairy sonnant d’ailleurs comme un ferry. Toujours sur le terrain irlandais, la participation de Costello, irlandais d’origine, à l’aventure Pogues en tant que producteur rappelle que, des Beatles à Oasis en passant par les Smiths, la grandeur du rock anglais est aussi un peu une affaire irlandaise.
Autre piste : approfondir la cinéphilie du groupe. Rappeler que ses membres ont rêvé de s’habiller comme les personnages du Gang des Frères James. Ou que l’ombre de Leone planait sur certaines chansons du groupe bien avant ce classique de Noël musicalement inspiré par le score de Morricone pour Il était une fois en Amérique. Dire que McGowan s’est dédoublé dans les deux personnages principaux de la chanson. Kirsty MacColl, devenue chanteuse grâce au punk, fille de l’auteur/compositeur de Dirty Old Town, épouse du grand producteur Steve Lillywhite, morte tragiquement et trop tôt méritait son petit focus. Enfin, le livre se penche sur quelques chansons iconoclastes liées à Noël : on y croisera entre autres le rock alternatif français, Dutronc, les Ramones et un duo entre Cindy Lauper et les Hives.
Une bonne addition à la collection du Boulon. Et qui sait, si vous passez du côté d’Albion, vous entendrez peut-être quelques voix alcoolisées chanter le morceau en chœur.
Ordell Robbie