Michel Rabagliati et Paul, son double de papier, déprimaient ; réjouissez-vous, ils sont enfin de retour… sur une île (presque) déserte !
Nous n’avions plus de nouvelles de notre vieil ami depuis Paul à la maison (2019). Il nous manquait. Souvenez-vous, à l’approche de la soixantaine, Paul traversait une mauvaise passe, avec, coup sur coup : son divorce, la mort de ses parents, le départ de Rose, sa fille unique, et la brouille avec sa sœur. Même si, au même moment, ses livres obtenaient une véritable reconnaissance internationale, Paul restait seul. Paul déprimait.
Michel Rabagliati est un maître incontesté de l’autofiction dessinée. Paul est son double. Paul est son unique héros. Ne lui a-t-il pas consacré une dizaine d’ouvrages depuis 1999 ?
Il nous revient enfin avec ce très beau livre, qui, à notre grande surprise, prend un format différent. Il abandonne la bande dessinée pour nous proposer un roman (largement et richement) illustré.
Attention, Paul n’a pas changé. La plume de Rabagliati est toujours simple, sincère et alerte. Son alter ego Paul est toujours émouvant, nostalgique et, faussement, fragile. Seule la forme a changé. Une question demeure : est-ce pour ménager son ancienne capsulite ou, plus simplement, pour innover, pour retrouver le plaisir de la création ? Probablement, un peu des deux. Il troque donc sa ligne claire habituelle, semi réaliste, et reconnaissable entre toutes, pour un crayonné beaucoup plus fin, notamment sur ses paysages. Il reconnaît s’être inspiré des gravures du père Henri Nouvel, un missionnaire jésuite et peintre animalier originaire de l’Hérault né en 1621, dont les œuvres ornent les têtes de chapitre. Le résultat est très réussi et suranné, ou, plutôt, intemporel.
À l’été 2017, Paul loue avec Rose un chalet sur l’île Verte, dans le Bas-Saint-Laurent. Pour Paul, ce sont ces premières vacances père-fille. Ensemble, ils reviennent sur les lieux d’anciens séjours plus heureux. Ce moment vécu au milieu d’une nature préservée va être l’occasion de se reposer, de se ressourcer, puis, apaisé, d’oser aller vers de nouvelles rencontres. Michel va mieux et il nous partage sa joie : la vie est belle ! Un livre indispensable.
Stéphane de Boysson