Pour la première fois de sa carrière jusqu’ici lumineuse, Emil Svanängen alias Loney Dear commet avec All Things Go un disque qui est une demie déception par son absence de prise de risque et par un goût trop prononcé pour la facilité.
Parfois l’exigence que l’on attend d’un musicien est à la hauteur de l’affection que l’on entretient pour son travail. On ne tolère pas d’un tel artiste le moindre faux-pas, le moindre impair. On n’acceptera pas la facilité d’une formule trop appuyée sur le caractère lacrymal. A être putassier comme pas possible, on peut en devenir vulgaire. Quand on a connu ce chanteur dans cette capacité à dire les choses avec retenue, avec une vraie pudeur, on ne tolère pas de lui qu’il joue sur les gros ficelles de l’émotion.
C’est un peu ce que l’on reproche à All Things Go du suédois Emil Svanängen alias Loney Dear. Ce neuvième album du nordique ne semble pas savoir où il veut aller. Pourtant on avait quitté Loney Dear avec A Lantern And A Bell en 2021 en pleine forme créative, assumant de se confronter au minimalisme. Là où le bât blesse sur All Things Go, c’est ce débordement de l’émotion et ce jeu trop évident avec les effets de manche. Emil Svanängen est assurément un grand chanteur mais il cherche trop à nous le montrer avec ce chant qui gagnerait à s’appuyer sur plus de sobriété. Trop de lyrisme tue le lyrisme. On ne sait jamais trop où l’on est, dans un disque Pop ou dans les élucubrations d’un musicien capricieux à qui l’on aurait lâcher la bride. Emil Svanängen joue ici en oubliant qu’on l’écoute et ce que l’on n’entend ne nous parle pas toujours. Le disque est bancal de bout en bout avec son manque de cohérence, alternant des ballades assez classiques et des parties plus expérimentales mais souvent maladroites.
A trop vouloir se réinventer, Emil Svanängen se dilue et perd au passage son originalité, ce qui fait toute sa singularité. Alors, bien sûr, le Suédois n’a pas oublié son talent à trousser des mélodies arrache-coeur comme Bygones mais il faut se fader à côté de ces merveilles des pensums d’ennui et de prévisibilité. Ne voyez aucune méchanceté gratuite dans cette chronique un peu assassine, la déception ressentie est proportionnelle à l’attente que l’on peut avoir d’un disque de Loney Dear.
Emil Svanängen s’écoute trop bien chanter, All Things Go est un disque d’autosuffisance d’un artiste convaincu d’être à son meilleur quand le doute devrait être le moteur. Certaines compositions sont un peu en pilote automatique comme si personne n’était aux commandes de ce navire en perdition. Pourtant, de grandes chansons comme Animal,State And Affairs ou All Things Gone en clôture nous rappellent tout le talent de cet artiste.
Faut-il comprendre All Things Go comme un disque de transition pour le suédois ? Ce qui est sûr, c’est qu’il restera un jalon pour le moins mineur dans la discographie de Loney Dear. Un faux pas qu’on ne lui excuse pas à la hauteur de notre amour pour sa musique.