Certains font des rééditions, des 2.0, Flavien Berger, lui, continue sa ritournelle après chaque album: un projet sous couvert d’un aspect fourre-tout, venu faire le contrepoint à son prédécesseur. Voici donc Contrebande 02. le disque de l’été, comme une promesse de douceur annonçant des jours plus agréables, plus longs et plus chauds
Derrière cette apparence de garçon détaché, poétique un peu lunaire, Flavien Berger ne cacherait-il pas de fait un forcené du travail, à la fois méthodique et métronomique ?
Sur tous les front possibles et imaginables ces dernières années entre sa discographie, les productions pour les autres (le dernier Pomme), la B.O de Tout le monde aime Jeanne, une musique de spectacle ou encore le générique de l’émission L’embellie d’Eva Bester sur France Inter, c’est peu de dire qu’il multiplie les essais et formules au gré de sa créativité. Et ce, tout en gardant un rythme mécanique dans la publication de ses sorties : chaque album officiel s’est vu affublé d’un pendant format «mixtape» quelques mois après, une façon d’expier au maximum les idées, les chutes, les bribes autour de l’astre principal.
Leviathan a eu son Contrebande 01, Contre-Temps son Radio Contre-Temps, et bien Dans Cent Ans a désormais son Contrebande 02.
Cette routine n’est pourtant en rien rébarbative, elle permet au contraire de prolonger le plaisir et de se replonger dans l’univers musical de son auteur si profondément identifiable désormais.
Divisé entre skits / interludes d’un côté et compositions complètes de l’autre, ce «volume 2» ne surprend pas dans ses sonorités, on retrouve cette application à faire résonner un minimalisme électro enrobé sous une forme de pop/chanson française sophistiquée et élégante.
Les deux singles sapon (titre en référence à sa nouvelle lubie consistant à fabriquer des savons, et oui) et plongereuse ou encore rivière auraient parfaitement pu s’insérer sur n’importe quel album du triptyque sans dépareiller.
Une fois encore on se laisse aisément porter par l’ambiance lancinante avec cette douce impression de s’enfoncer dans un tableau à la fois surréaliste et abstrait, entretenue par l’aspect bizarreries de quelques tentatives de laboratoire telles que Summer Time Jam – Tape 92 ou Magie Merveille avec les vocalises de Pomme.
Puis tout devient tellement précis lorsque les planètes s’alignent et la magie n’a plus qu’à opérer, l’effet solaire du «disque de l’été» qu’à nous réchauffer. Beta et sa structure plus standard en est un bon exemple et rejoint le panthéon des meilleurs titres de son interprète.
Pour trouver trace d’une nouveauté à gratter, il faut se pencher sur un aspect de plus en plus évident dans la musique de Flavien Berger et de son bagage: un champ lexical hip-hop. Au niveau de la rythmique, de l’utilisation des outils synthétiques ou même dans les textes (sa serviette Wu-Tang Clan), on ressent une réelle influence et affinité pour le genre.
Et que dire alors du gros clin d’oeil aux beatmakers d’aujourd’hui avec l’intégration quasi-systémique du tag «gervase weatherboy» au début de chaque titre, du nom de son alter ego derrière les machines.
Cette salve de derniers jets et de brouillons viennent un peu plus entériner la réputation d’un artiste unique sur la scène française, où il faut ici voir un peu plus le bidouilleur-producteur que le chanteur pour prendre pleinement conscience de sa palette complète et de son talent polymorphe.
Alexandre De Freitas