Joy Sorman a passé un an au Tribunal de Paris, assistant chaque semaine à des comparutions immédiates. A travers le personnage de Bart, elle raconte les audiences auxquelles elle a assisté, et, en prolongement, le fonctionnement de cette institution, tout en pointant ses failles. Edifiant.
En 2021, Joy Sorman sortait A la folie, un récit documentaire dans lequel elle racontait l’univers de la psychiatrie française aujourd’hui. Trois ans après, c’est une autre institution qu’elle a décidé « d’infiltrer », en allant arpenter les salles et les couloirs du Tribunal de Paris, dans le 17e arrondissement. Pendant un an, elle a passé une journée par semaine dans ce lieu où l’on condamne ou acquitte des hommes et des femmes. Elle a assisté à des affaires de toutes sortes, liées au terrorisme, aux violences conjugales, à la toxicomanie, au vol ou à la pédophilie.
Pour raconter ces longues heures passées comme spectatrice de ces comparutions immédiates, Joy Sorman a imaginé le personnage de Bart, inspiré par le Bartleby d’Herman Melville. Un homme d’une cinquantaine d’années, au chômage, qui décide de rassembler quelques affaires, de quitter son appartement, pour aller vivre dans le tribunal jour et nuit, tel un passager clandestin enfermé volontaire dans la machine judiciaire.
Bart assiste chaque jour à ces « mini-procès » qui s’enchaînent les uns après les autres à vitesse grand V. Il apprend à connaitre et à décrypter les formules langagières opposant le Président du tribunal et les avocats, dans des joutes verbales très codifiées, presque théâtralisées, au milieu desquelles l’accusé répond aux questions qu’on veut bien lui poser.
Au fil du temps, Bart se rend compte que ces accusé(e)s, pour la plupart, sont jugé(e)s coupables, souvent issus de milieux défavorisés, d’origine étrangère, et rarement de bonne famille. Bart est surpris par la vitesse et la manière avec laquelle les jugements sont rendus, estimant, qu’au fond, il y a là parfois quelque chose d’injuste ou d’absurde…
C’est un récit édifiant que nous propose là Joy Sorman, pointant au fil des pages les failles et les incohérences de cette institution, parfois impitoyable et qui, souvent, ne s’embarrasse pas de détails.
Extrêmement documenté, le livre décrit bien toutes les composantes de ce système qui convoque chaque jour une frange de la misère humaine (pervers, malades mentaux, analphabètes…), pour des affaires plus sordides les unes que les autres. Un récit finalement assez peu glorieux sur comment fonctionne cette machine judiciaire pas si impartiale que ça, expliquant la manière avec laquelle, quelquefois, certains magistrats expédient les comparutions, sans doute débordés par le nombre toujours croissants d’affaires à juger chaque jour.
Un livre qui rappelle, par certains aspects, les films documentaires Délits flagrants (1994), et 10e chambre – Instants d’audience (2004) de Raymond Depardon, dans lesquels on découvrait toute la complexité des procès qui se tiennent chaque jour dans les tribunaux français.
Benoit RICHARD