Le second et dernier tome de Mauvaise Réputation confirme l’impression laissée par le précédent. La légende est cruelle, les efforts d’Emmet Dalton pour s’amender se sont avérés vains.
Après une ellipse de plusieurs années, Antoine Ozanam poursuit l’histoire d’Emmet. Bien que partial, le film muet consacré aux frères Dalton a plu. Le fils de fermier, ancien marshal et trop célèbre hors la loi, a quitté l’Oklahoma pour la Californie. L’avenir du cinéma est à Los Angeles. La publication de son autobiographie lui a apporté notoriété et aisance. Emmet a investi ses gains dans l’immobilier et fait, honnêtement, fortune. Pourtant, il ne sent pas quitte avec son destin. Il veut rétablir la vérité. L’ancien gangster a encore beaucoup à dire et à combattre. La puritaine Amérique ne cesse de le renvoyer à ses crimes, lui interdisant toute rédemption. Pourtant, il a payé : quatorze années de dure, très dure, prison.
Le scénario d’Antoine Ozanam joue brillamment avec les flash-back. Plus sage que celui du premier opus, il alterne les séquences de l’ultime et catastrophique attaque de banque – une tuerie absurde qui provoquera la mort de neuf personnes, dont deux de ses frères – avec la vision d’un Emmet désormais âgé, heureux en ménage et qui prépare sa sortie.
Le dessin réaliste et largement monochrome, ocre ou bleuté, d’Emmanuel Bazin associe contemplation et grâce. Le travail sur la lumière est admirable. Un bel exemple est donné par la magnifique couverture : vus de loin, Emmet et Julia ont vieilli ; étonnés, ils contemplent les hauts murs d’un studio de cinéma. Le far-west aventureux de leur jeunesse est mort. Le rêve ne se vit plus l’arme au poing, mais se monnaye, pour une poignée de cents, au cinéma. Le spectateur y gagne en sécurité, ce qu’il a perdu en passion.
Comme sidérés par la fuite du temps, les visages sont souvent impassibles. Pour un western, les personnages bougent curieusement peu. Jouant brillamment avec les lumières automnales ou crépusculaires, multipliant les cadres, Bazin magnifie les prémices de l’Amérique industrielle alors que s’efface, définitivement, celle des pionniers.
Stéphane de Boysson