Retour à ses racines de rockeur liverpuldien pour Miles Kane qui a mis le feu hier soir à la Cigale avec un set explosif et acharné : une renaissance magnifique.
Miles Kane, c’est un type qu’on a absolument adoré, il y a une quinzaine d’années, à l’époque des Rascals qui perpétuaient un « esprit Liverpool » tout à fait authentique, puis de son premier album solo. Et c’est un artiste dont on s’est peu à peu détaché – pas lassé, non, mais on se sentait de moins en moins attaché à lui – au fur et à mesure d’errances discutables aux côtés de son pote Alex Turner. Jusque dans les riches quartiers de Los Angeles, où comme tant d’autres avant lui, on a l’impression qu’il abusé de la gonflette, qu’il a beaucoup fait la fête, qu’il a bronzé, entouré de jolies filles, et qu’il a perdu un peu de son âme. Sur scène Kane n’a jamais été décevant : ses chansons sont bonnes, son jeu de guitare excitant, sa gouaille frimeuse amusante… Mais bon, nous avons hésité : aller le voir ou pas à la Cigale cette fois ? Et puis, un reste de fidélité à ce personnage sympathique et finalement atypique – sans parler du fait que la Cigale est l’une des salles moyennes les plus accueillantes de la Capitale – nous y a ramenés une fois encore, sans forcément beaucoup d’illusions…
La soirée commence à 20h au lieu des 19h30 annoncés, alors que la salle est déjà comble (le concert affiche complet). Disséminés parmi les fans de Miles Kane, on repère très vite les admirateurs déclarés – et expansifs – de The Royston Club : ils connaissent toutes les paroles des chansons et ils expriment bruyamment leur enthousiasme à chacun des titres, mettant une excellente ambiance dans une Cigale qui n’a pas besoin de grand-chose pour exploser, on le sent. The Royston Club, ce sont quatre jeunes gens (qui sont cinq parfois sur scène, avec un guitariste supplémentaire) originaires du Pays de Galles : c’est facile à deviner, un drapeau gallois est enroulé autour de l’un des pieds de micro. Ils ont beaucoup de matériel (plein de guitares, plein de pédales d’effets), ils sont mignons (« Qu’ils sont choupis ! » soupire une amie, conquise) et ils jouent le même rock indie nerveux, mélodique, excitant, que nos groupes fétiches des années 2000, comme si rien n’avait changé depuis. On remarque l’excellent travail du guitariste soliste, Ben Matthias, qui écrit les chansons, et le chant impeccable de Tom Faithfull. Une belle énergie se dégage de tout ça, mais nous avons quant à nous du mal à trouver ça passionnant. Peut-être à cause de titres – tous extraits d’un premier album sorti il y a quelques mois déjà – qui se ressemblent trop, restant dans le même registre ? Ou à cause de l’absence de mélodies immédiatement marquantes pour qui ne connaît pas leurs disques ? Les deux derniers titres, Mariana et I’m a Liar, déclenchent toutefois une belle fête dans la fosse. Impeccable en tout cas pour chauffer la salle avant Miles Kane.
20h57 : visiblement impatient d’en découdre, Miles Kane déboule trois minutes avant l’heure sur le thème de la Panthère Rose, et lance son set sur un Troubled Son ravageur. Le son est parfait, il y a de beaux effets de lumière, même si le rouge est un peu trop présent. Miles arbore désormais les cheveux ras et peroxydés, il porte un blouson en cuir fermé jusqu’au menton ou presque : même ayant dépassé les 35 ans, il a cet éternel look de prolo liverpuldien… Il semble sincèrement ravi d’être ici à la Cigale, devant un public en transe du début à la fin de… l’heure de concert qu’il va nous offrir. Une heure seulement ? Oui, mais aussi 17 morceaux enchaînés avec jamais plus de 3 secondes de pause entre deux, pas un mot inutile, juste du f…g rock’n’roll comme il n’y a pas tant que ça de gens qui en jouent, surtout après autant d’années de carrière.
Ce soir, avec une setlist partagée de manière équilibrée entre le dernier album et les titres les plus percutants de ses débuts – aucun morceau de l’album précédent -, c’est un véritable retour aux sources de la part de cette adorable petite frappe… qu’on n’avait pas vu jouer aussi dur, aussi tendu depuis des lustres ! Sur The Best Is Yet To Come, on tape des pieds sur certains morceaux comme si l’époque reine du glam rock était revenue (on remarque depuis Coup de Grace des sonorités à la Marc Bolan chez Kane !). L’enchaînement entre One Man Band et Inhaler est terrible, mais on n’a encore rien vu. Miles tombe le blouson, et c’est en marcel qu’il va passer la démultipliée après un seul morceau (plus) lent (Heal) pour une dernière partie qui va mettre la Cigale à genoux : le trio Coup de Grace, Never Taking Me Alive et Come Closer constitue l’une des plus belles tueries entendues depuis des mois. Et c’est fini ! Non, Miles revient pour son habituel unique titre en rappel, et c’est pour nous faire chanter tous ensemble les « La La La » de Don’t Forget Who You Are : un message simple mais plus pertinent que jamais.
A la fin, une fois Miles parti, rayonnant après ce triomphe, l’avis était unanime : « le meilleur concert de Miles Kane depuis ses débuts et l’époque des Rascals… », « Il a dû enfin se libérer de l’influence néfaste d’Alex Turner… ! ». Blague à part, après les dérives californiennes en compagnie de Turner où il était devenu une sorte de caricature de lui-même, il est revenu à la simplicité de ses origines, et c’était très beau à entendre.
Texte et photos : Eric Debarnot