Le passage à l’épreuve du long format était attendu pour NewDad. Fraichement exporté des frontières irlandaises, le jeune groupe poursuit tranquillement sa route dans les bas-fonds de la conscience et les hauteurs d’une nouvelle scène shoegaze.
NewDad a bien débuté : deux premiers EP réussis, Waves et Banshee, flirtant avec la juste dose de bedroom pop, soit une série de titres à l’atmosphère un peu ouatée et brouillonne, sans pour autant verser dans l’autoproduction pâteuse. Souvent présenté comme nouvel étendard du shoegaze, le groupe dégaine aujourd’hui une nouvelle carte de visite avec Madra. On ne dénature pas ici d’une musique cynique, par essence torturée et friande de passions amères, mais on a trouvé chez NewDad suffisamment d’intérêt, un soupçon de grunge cuisiné avec une production moderne, des mélodies lascives, portées par la voix caressante de Julie Dawson et un sombre charme rappelant celui de leurs semblables de Just Mustard.
NewDad nourrit allègrement les temps morts de la conscience, se donnant en pâture à nos pulsions mélancoliques les moins refoulées, celles qui affleurent souvent, qui se nichent entre l’esprit et cette to-do list monstrueuse, emplie de tâches à moitié accomplies et de celles repoussées ad vitam. C’est là la porte d’entrée de Madra et de ses mélopées flottantes, une histoire de conflit interne, oscillant entre la sourde violence du laisser-aller et la difficile réhabilitation. En bref, Madra ne t’aide pas vraiment à relever les yeux et te dire que demain sera meilleur, mais ce n’est pas le deal, NewDad ne parle pas aux gens heureux. Il nous fait en contrepartie l’offrande de plusieurs titres tubesques pour névrosés, entre Angel et ses lignes éthérées, un peu désinvolte et tout en dévaluation de soi, et Where I Go, évocateur du désordre d’une existence semi-révoltée en tête à tête avec un ballet de distorsions. Quoi de mieux, toutefois, que l’auto-sabotage exquis de Let Go, un peu plus virulent et vorace que les autres, où les litanies entêtantes de Julie Dawson et les guitares alourdies l’emportent sur la lumière du jour ?
Mais enfin, si vous souhaitez broyer du noir, faites-le en couleur, sur les arpèges sucrés et saturés de Sickly Sweet qui, comme son nom l’indique, malmène ton taux de glycémie jusqu’à te sentir poisseux, le tout renforcé par une ligne de basse tenace, et récurrente tout au long de l’album. Cette sensation de fragilité qui colle à la peau, comme un chien te suivant à la trace (« madra » en irlandais), donne le ton à chacun des morceaux, même aux plus candides en apparence, Nosebleed et Dream of Me, canons dreampop, dont les lignes presque catchy dissimulent le poids de la frustration, des non-dits et des obsessions.
Au creux de cet aveu de faiblesse percent tout de même les quelques lueurs de White Ribbons dont les arrangements rappellent le dernier Daughter, mais il précède surtout le dernier et éponyme Madra, où viennent se déverser toutes les rigoles creusées par l’écoulement des peines et souffrances qui alimentent les turbines de cet album. Premier titre à avoir été composé, il est toutefois placé en dernier, comme gage d’une mission accomplie, et d’un feu vert pour, enfin, refermer les valves.
Entre faiblesses assumées et frustrations non digérées, des arpèges tantôts séducteurs, tantôt accablants et une voix à la douceur diffuse et paradoxale, NewDad s’en sort avec un disque construit, aux remous répétitifs mais captieux, et qui se défendra à merveille sur scène. Bien que le groupe n’ait pour le moment annoncé aucune date par chez nous, il affiche déjà sold-out outre-Manche.
Marion des Forts