20 ans après leur apparition et 8 ans après I Could Be Happy, voici enfin le sixième album du projet Nouvelle Vague : « Stop ou encore ? » comme on disait à l’époque. Eh bien, quant à nous, nous votons pour « STAY », sans hésitation !
On est en 2004, et Nouvelle Vague, un projet bizarre, voire même carrément absurde, voit le jour, un projet sur lequel nul amateur de musique n’aurait parié un kopek : celui de reprendre façon Bossa Nova (ce qui signifie, rappelons-le, plus ou moins « Nouvelle Vague » en Portugais du Brésil) des classiques de la New Wave (« Nouvelle Vague » en Anglais) dans un esprit amateur, décontracté, libre… et faussement frivole qui évoque en contre-champ la Nouvelle Vague du cinéma Français. L’important, depuis le début, qui a assuré la réussite exquise de ce projet funambule, a été l’absence totale de distance par rapport à ces morceaux fondateurs de notre conscience musicale : aucune ironie, aucun second degré, mais la recherche – la plupart du temps réussie – du ton juste. La remise en perspective de classiques – mais aussi d’excellents titres passés à côté du succès populaire, car il y avait aussi dans le projet de Olivier Libaux et Marc Collin un désir de faire découvrir à tous des joyaux méconnus – de la musique des années 70 et 80. Et surtout pas une « remise au goût du jour », une « modernisation », car il était clair dans l’esprit des inventeurs du concept que l’immortalité des chansons reprises était une évidence, et que la seule manière de les aborder était de les réinventer en leur témoignant avant tout de L’AMOUR, et même un amour FOU !
Bien entendu, les cinq albums originaux parus entre 2004 et 2016 (sans parler des compilations…) n’ont pas tous été du même niveau que le premier, mais aucun n’a perdu le fil d’une formule géniale : chacun a toujours contenu une poignée de titres, pardon de versions qui se sont à leur tour inscrites dans leur époque, comme des marqueurs, et comme des signes de la pertinence conservée de la révolution musicale – punk, puis new wave donc, ou post-punk comme on dit de nos jours – démarrée en 1976. Avec le temps, de nombreux interprètes se sont succédés, qui ont pour la plupart leur propre carrière plus ou moins prestigieuse, et I Could Be Happy a même vu Nouvelle Vague proposer des compositions originales, rompant avec l’essence même du groupe, sans que nul ne trouve ça déplacé. Et puis le décès très prématuré d’Olivier Libaux, en 2021, a évidemment remis en cause la poursuite d’un projet qui lui devait tant : la question titre, emprunté à la célèbre chanson de The Clash, exprime clairement le dilemme, arrêter ou continuer sans Olivier. L’écoute de Should I Say or Should I Go? n’appelle qu’une seule réponse possible : oui, ils ont eu raison de continuer l’aventure, et nous espérons même qu’elle ne s’arrêtera pas à ce nouvel et excellent album.
S’il y a une tendance claire qui s’exprime ici, c’est celle de diversifier les styles musicaux, de ne plus rester un groupe aussi restrient dans le pré-carré « bossa nova + vocaux languides ». C’était déjà apparent dans les disques précédents, et, même si l’ouverture sur le What I Like Most About You is Your Girlfriend de The Specials AKA respecte parfaitement les codes du projet initial, cet élargissement du « genre » est désormais totalement assumé: la version proposée du titre de The Clash, justement, est un pur reggae, et le chant d’Alonya se complait dans des excès joyeusement sensuels. Et c’est de toute façon, comme toujours, lorsque Nouvelle Vague s’éloignent le plus radicalement du titre original qu’ils sont le plus passionnants, et pas seulement parce qu’ils nous permettent de jouer à notre habituel blind test : le lugubre et solennel She’s In Parties de Bauhaus devient ici un délice romantique à l’ampleur cinématographique ; le dépouillement de l’habillage flashy et presque pompeux de The Look of Love de ABC en dévoile la splendeur mélodique, et en révèle le classicisme impeccable ; le ska cuivré, raide et martial de Shout (Tears for Fears) en fait un bonheur sans doute supérieur à l’original ; la suavité ajoutée au plutôt grossier Rebel Yel de Billy Idol le transforme en une merveilleuse sucrerie parfumée… A l’inverse, quand le « traitement Nouvelle Vague » est appliqué à un morceau qui s’y prête naturellement, on frôle la redondance, et finalement l’inutilité : c’est, heureusement, sur cet album seulement le cas du This Charming Man des Smiths, où la magie de la version originale semble parfaitement indépassable !
En résumé, voici un nouvel album aussi réussi que les précédents, que l’on écoutera en boucle pour se délecter d’autant d’intelligence et de subtilité : soit la meilleure manière d’être légèrement nostalgique. Et puisque Marc Collin nous pose la question : aucun doute, Marc, il faut RESTER ! Encore !
Eric Debarnot