Publié en format digital en 2020, ChangesNowBowie est l’un des plus beaux enregistrements de toute la discographie de Bowie : réalisé en 1996 dans le but d’une diffusion sur les ondes de la BBC à l’occasion des 50 ans de la star, il s’est révélé un sublime – et souvent bouleversant – moment de grâce.
Merveille des archives… En novembre 1996, David Bowie se trouve à New York, en pleine répétition avant le concert qu’il doit donner au Madison Square Garden le 9 janvier de l’année suivante, pour célébrer ses cinquante ans (Bowie est né un 8 janvier…). Il enregistre alors neuf chansons pour une émission de BBC Radio One (*), dont la diffusion est prévue également pour le jour de son anniversaire. Véritable diamant taillé à l’épure de l’acoustique, la performance se révèle caressante et chaleureuse, très différente des albums Outside (paru juste avant) et Earthling (qui suivra), élaborés et tonitruants. Accompagné simplement par Reeves Gabrels à la guitare, Gail Ann Dorsey à la basse et Mark Plati aux claviers, Bowie chante avec une intensité et une justesse qui charment dès la première écoute. La qualité exceptionnelle de la captation restitue à merveille cette session si précieuse et tellement délicate, décuplant à l’évidence une impression d’intimité rarement égalée dans sa discographie.
Véritable collector apprécié par les fans, la performance de toute beauté circula en bootleg avant une publication officielle à titre posthume en 2020. En effet, à l’occasion du Record Store Day, Parlophone sortit l’enregistrement sous le titre de ChangesNowBowie en référence aux compilations ChangesOneBowie (1976) et ChangesTwoBowie (1981). Pour la pochette, un sobre portrait pris par Albert Watson montre un Bowie bien pensif. Si la sortie des rares formats cd et vinyle – satanée habitude de restreindre l’objet du désir pour faire monter les enchères, ce supplice masochiste des collectionneurs – est retardée par la pandémie de Covid-19, l’album est disponible en streaming le jour initialement prévu. Un trésor enfin disponible au plus grand nombre. Il était temps…
Depuis la reprise unplugged de Nirvana en 1993, Bowie tient à rappeler qui est le patron avec The Man Who Sold The World. La guitare ouvre sur une caresse quand la voix de Bowie se pose en douceur avant de se mêler au chant de Gail Ann Dorsey pour finir crescendo sur un final obsédant. Aladdin Sane… on se demande sur le papier comment faire plus percutant que la version originelle de l’album de 1973, ce tourbillon rock cabaret au solo de piano démentiel. Sur cette version très cool, Gail Ann Dorsey accompagne encore Bowie au chant et à la basse sur quelques touches de piano. Une reprise de White Light/White Heat du Velvet Underground lance de l’électricité dans l’air avec une basse épaisse et constante sur une guitare solo déformée. Très planant, Shopping For Girls a le mérite de s’extirper du bruyant Tin Machine et réussit à tenir la comparaison avec le reste du set… même si la liste des titres sur la pochette donne envie de passer rapidement aux pistes suivantes !
Sur un battement de batterie lent et régulier, Bowie chante Lady Stardust tout en finesse. La voix et la basse de Gail Ann Dorsey sont encore une fois au rendez-vous de cette quasi résurrection de ce vieux revenant qu’est désormais Ziggy Stardust. Quant à la chanson The Supermen, elle est jouée en acoustique pure : on a l’impression vertigineuse de retrouver une démo de 1971… Sur Repetition, la voix de Bowie se fait beaucoup plus caressante que sur la version impassible de Lodger. La guitare solo, légèrement déformée, restitue habilement l’aspect déphasé de la version originelle. Ultime coup de grâce, Bowie sort deux merveilles du raffiné Hunky Dory : Andy Warhol finit de nous achever avec Gail Ann Dorsey sur des cordes virtuoses, avant que Bowie nous offre un Quicksand tout en en douceur et intensité. Encore une fois, la qualité de la captation confère une vibration très intense, de quoi rester tout bonnement charmé par tant de grâce : c’est incontestablement un point culminant de cet album qui touche la corde sensible.
On frémit rien qu’à l’idée que d’autres trésors semblables puissent sommeiller encore dans les archives des maisons de disques !
* Post Scriptum :
Ces neuf chansons furent donc diffusées le 9 janvier à la BBC, entrecoupées par des questions de la journaliste Mary Ann Hobbs et par des souhaits d’anniversaire de ses pairs et acolytes, avec des célébrités telles que Damon Albarn, Bono ou Robert Smith. Bowie s’exprima à l’occasion sur sa consommation de cigarettes (Il avoue fumer deux paquets par jour de Marlboro Lights pour préserver ses aigus…), ou ses déclarations sur sa bisexualité en 1972 (« J’aurais dû dire que j’étais « trysexual ». Cela signifie qu’en matière de sexe, j’essaie tout« , petite touche humoristique… même si on voit mal en quoi cela aurait calmé les esprits chagrins de l’époque).
Le point d’orgue fut incontestablement l’intervention de Scott Walker, natif du 9 janvier (tiens donc…) : « Bonjour David, c’est Scott Walker. Je m’adresse à toi par l’intermédiaire d’un vieux magnétophone pourri, mais j’espère que ça ne te dérange pas. Je vais être diabolique aujourd’hui et ne pas te poser de questions. Je suis certain que parmi les nombreux messages que tu as reçus, il y en aura qui diront que tu as toujours embrassé la nouveauté et que tu as libéré tant d’artistes, et c’est bien sûr vrai. Comme tout le monde, je voudrais te remercier pour toutes ces années, et surtout pour ta générosité à l’égard des autres artistes, j’en ai été le bénéficiaire plus d’une fois, permets-moi de te le dire. Alors bon anniversaire ! Et au fait, le mien est le lendemain du tien, alors je t’offre un verre de l’autre côté de minuit. Qu’en penses-tu ? »
Après une courte pause et une forte inspiration, Bowie, visiblement surpris et très ému, répondit : « C’est incroyable… Je vois Dieu par la fenêtre. Cela m’a vraiment touché, j’en ai bien peur. Je pense qu’il est probablement mon idole depuis que je suis enfant. C’est très émouvant. J’en veux une copie. Je suis absolument… Cela m’a vraiment bouleversé. Merci beaucoup. »
Un moment véritable de sincérité chez un personnage obsédé du contrôle (« Dropped my cell phone down below. Ain’t that just like me ?« ). Habile à se jouer des apparences et à porter tant de masques, ce perfectionniste baisse donc la garde devant son démon… C’est à se demander pourquoi ces deux artistes liés par une fascination réciproque n’ont jamais tenté de travailler ensemble !
Amaury de Lauzanne
David Bowie – ChangesNowBowie
Label : Parlophone Records
Date de sortie (digital) : 17 avril 2020
David Bowie – ChangesNowBowie : un message sublime de notre étoile noire
Bonjour,
Bowie restera toujours un phare dans la musique.
Il a été une inspiration pour les jeunes artistes.
Ces chansons sont intemporelles, je ne trouve pas un artiste comme lui, à notre époque.
ps: pas dangereux de rester avec un thème sans mise à jour depuis novembre 2022 ?
On est bien d’accord sur Bowie. Ta question sur le thème est relative au design du site Benzine, c’est ça ? Je transmet ta question à notre patron ! Bien cordialement…