Passionnante de bout en bout, la série D’argent et de sang, de Xavier Giannoli, nous raconte avec brio les tenants et les aboutissants de « l’escroquerie à la taxe carbone », malgré la complexité du sujet.
L’affaire de « l’escroquerie à la taxe carbone » inspire décidément le monde de la télé. Après le film d’Olivier Marchal Carbone (2017) puis le documentaire Netflix, Les Rois de l’arnaque (2021), signé Guillaume Nicloux, cette fois c’est au tour de réalisateur Xavier Giannoli de s’emparer de cette affaire pour imaginer une série en 12 épisodes diffusée en deux parties, fin 2023 et début 2024 sur Canal+.
Le réalisateur des Illusions perdues s’est inspiré de cette affaire qui a fait grand bruit au début des années 2000, et qui a vu trois truands tirer profit du marché des quotas carbone conçu au départ pour permettre aux entreprises d’échanger et de revendre des droits à polluer dans le monde entier. Pour raconter cette escroquerie XXL, Xavier Giannoli a créé les personnages, directement inspirés des vrais protagonistes de l’affaire, que sont Bouli (David Ayala), Fitous (Ramzy Bédia), Jérôme Attias (Neil Schneider). Un trio de pieds nickelés qui, en dépit d’une certaine forme d’amateurisme, va réussir à voler des millions, voire des milliards – on ne saura jamais exactement le montant exact des sommes – dans les poches de l’État avec juste quelques ordinateurs… ou presque.
En plus des personnages « réels », Xavier Giannoli et son scénariste, Jean-Baptiste Delafon ont imaginé celui de Simon Weynachter, un magistrat brillamment incarné par Vincent Lindon qui va dévoiler, au fil des épisodes, les dessous de l’enquête qu’il a menée durant plusieurs années pour tenter de venir à bout de cette énorme escroquerie et de ses instigateurs.
Extrêmement bien documentée, très bien écrite, très fluide dans sa narration, cette fiction inspirée librement du livre-enquête éponyme de Fabrice Arfi, sorti en 2018 aux éditions du Seuil, montre un Xavier Giannoli aussi à l’aise avec l’écriture et la mise en scène d’une série qu’avec celle d’un film… dans un style qui rappellera Le Loup de Wall Street ou Casino, avec un rythme, une mise en scène et un humour qui font mouche dans la première partie notamment, celle qui raconte l’ascension des voyous.
Giannoli montre aussi, de manière très pédagogique, comment cette bande d’escrocs a réussi à trouver la faille et à mettre en place un jeu de sociétés écrans et de prête-noms pour développer leur business. Pas facile, quand on sait la complexité du système financier et des échanges boursiers. Et le pari et réussi ! La série parvenant, même, au-delà du simple fait divers, à sensibiliser le spectateur à la question écologique, en montrant clairement que la mondialisation et la croissance des profits sont liées au réchauffement climatique, et que, d’une certaine manière, la réussite de cet arnaque est aussi une conséquence d’un capitalisme sauvage qui continue de malmener le Monde et de créer des ravages sur toute la planète.
Benoit RICHARD