Troisième album pour Erika de Casier, le second chez 4AD, où l’on retrouve ce R&B futuriste si particulier, teinté d’électro propre à sa créatrice, une fois de plus au four et au moulin. L’occasion d’asseoir un peu plus son statut de compositrice de tout premier plan.
En l’espace de deux albums, Erika de Casier s’est établie comme l’une des figures de proue du R&B alternatif contemporain. La faute à une créativité à toute épreuve et à une véritable originalité dans les tonalités apportées à un genre musical parfois sclérosé dans ses standards.
Si l’artiste danoise s’appuie bien évidemment sur les fondations du style, très orientés par ses pairs du début des années 2000 (de Aaliyah à TLC), elle en apporte une fraîcheur bienvenue avec un affect tout particulier pour les nappes électroniques et la pop digitale, donnant des allures luxuriantes à ses compositions.
De quoi attiser la curiosité d’un auditoire de plus en plus nombreux voire prestigieux, jusqu’à s’offrir le luxe d’un remix sur un titre de Dua Lipa. Pas de quoi succomber aux sirènes des spotlights pour autant, Still, troisième disque, s’inscrit dans la veine de ses prédécesseurs et vient simplement entériner une signature désormais reconnaissable. Et de profiter également des évolutions, des nouveaux territoires à défricher pour cette exploratrice hors-pair.
Le premier single, Lucky, d’en être l’exemple parfait avec une ambiance futuriste, entre hyper-pop, électro et drum’n’bass, le tout sous couvert d’une couche de balade fleur bleue. Surprenant mais la mayonnaise prend.
C’est là tout le talent de de Casier. En enfilant toutes les casquettes, de l’interprétation à la production en passant par l’écriture, elle s’assure d’incarner au mieux cet univers et de l’exploiter à son maximum. De mettre en musique elle-même ses idées, ses écrits, ses pensées, ici en poussant le concept des différentes étapes de l’amour.
Ce qui ne l’empêche pas pour autant d’ouvrir les portes de son opus à d’autres, que ce soit pour son équipe de musiciens de studio mais surtout avec l’arrivée, pour la première fois, de guests. Et non des moindres puisque l’on retrouve deux sommités de la scène britannique, Shygirl sur le langoureux Ex-Girlfriend et Blood Orange, pour le titre Twice. Des ajouts minutieux, naturels dont la greffe prend facilement pour apporter une plus-value discrète à l’ensemble.
Néanmoins, cet aspect très soigné, très propre peut aussi avoir ses limites. L’impression que Still ne décolle jamais vraiment, reste linéaire, manque peut être d’un zeste folie et d’un voire deux titres vraiment incontournables. Le côté R&B de canapé est appréciable de bout en bout, surtout les morceaux old school ooh ou My Day Off que n’aurait pas renié le Timbaland de la grande époque, et que l’on privilégiera face aux tracks les moins rythmées.
Si l’oreille inattentive/lointaine peut desservir l’écoute, difficile cependant de ne pas louer la qualité du travail une fois plongé sérieusement dedans. Comme dit plus haut, c’est extrêmement bien produit, avant-gardiste sans être foncièrement pompeux, toujours juste et inspiré.
Sûre de sa force, Erika de Casier ne déroge pas de sa direction artistique, mieux elle l’épaissit, ce qui devrait lui assurer un nouveau succès d’estime aussi bien de la part des critiques que de ses fans épris. Avec, sans aucun doute, de nouveaux cœurs conquis en plus dans la besace.
Alexandre De Freitas