Swan Wisnia nous réjouit d’un album aux sonorités eighties porté par une voix superbe, tour à tour mélancolique, cajoleuse, aguicheuse, et remplie d’arrangements riches et intelligents. 9 morceaux pop qu’on prend un plaisir énorme à écouter, à réécouter. 9 morceaux qui confirment les vertus supérieures de la musique (quand elle est réussie)
Swan Wisnia n’en est pas à son coup d’essai. Après avoir participé à Shadow Motel, elle a commencé à composer ses propres morceaux. Deux EPs depuis 2018, I don’t know what I am doing (2018) et Expiration Date (2020), qui étaient plutôt réussis, voire très réussis. De très bons morceaux, vraiment très bons comme Untoward ou Hearing Walls, pour n’en citer que deux sans raison particulière… non, ce n’est pas vrai, ces morceaux figurent sur le premier EP pour lequel on éprouve une tendresse particulière. Mais on peut aussi recommander aussi certains morceaux du second EP, comme le superbe Once I Had You Ear.
Pourquoi ? À cause des mélodies, dont il est difficile de débarrasser, sans que cela soit désagréable (bien au contraire). À cause des arrangements, entre expérimentation ludique et luxuriance pop synthétique, qui enrichissent les mélodies. Et, surtout ?, à cause de la voix… la couleur, la profondeur, la richesse, la chaleur, une certaine « sinuosité » – par quoi on veut dire qu’elle a une capacité à se tortiller sur elle-même et à s’enrouler autour de vos oreilles comme un serpent. Swan Wisnia chante remarquablement, elle met sa voix au service de ses chansons.
On retrouve ces qualités sur ce qui est donc le premier album de Molto Morbidi. Arrangements synth-pop-expérimentaux, mélodies absolument imparables, voix superbe et envoûtante, les ingrédients qui avaient fait la réussite des premiers EPs sont de nouveau réunis ici. C’est donc de nouveau une collection de chansons qu’on ne peut qu’avoir envie d’écouter, de réécouter, de partager. L’ambiance de cet album est toutefois légèrement différente. Il y a quelques morceaux – comme le premier de l’album, Das Genshenk, ou Seven Leagues ou Sorry Little Girl – qui dégagent une ambiance gothique, enfumée de brumes vaporeuses sur lesquels Swan Wisian chante un peu plus comme Kate Bush ou Siouxie Sioux – à tout le moins, certains des morceaux sonnent comme des morceaux des susnommées. C’en est surprenant, mais c’est vraiment très réussi, mélancolique sans être passéiste, évocateur sans être une plate copie. C’est aussi le cas de Leo, le second morceau de l’album, qui a quelques résonances jazzy très agréables, un solo qui rappellerait un morceau de krautrock, un rythme syncopé.
Leo casse un peu le rythme du début de l’album, mais ne gâche pas le plaisir qu’on a à écouter cet album… quatre morceaux déjà, on est pris, captivé, accroché, ravi, d’autant que cela continue. Il reste encore à écouter au moins deux morceaux très bons. D’abord, So Far, So Good : la voix de Swan Wisnia fait encore des merveilles, un peu trop peut-être (dommage), mais peut-être est-ce à cause de la concurrence d’arrangements subtils qui donnent au morceau une belle richesse. Et puis il y a encore This Is Not This Is Not a Lovesong, le dernier morceau de String Cheese Theory. Quand le morceau arrive, on a déjà entendu tellement de belles choses qu’on est presque surpris. Différent des autres – parce qu’il est moins années 1980, peut-être – parce que le chant Swan Wisnia sincère (pas de jolies arabesques trop décoratives) dégage une émotion puissante ; les arrangements se font plus discrets pour lui laisser la place… Une fin en beauté pour un album rempli de morceaux superbes.
Alain Marciano