Belle démonstration de force de Depeche Mode hier soir à l’Accor Arena, un groupe sur qui les années semblent n’avoir que peu de prise. Avec en première partie, l’ébouriffante Suzie Stapleton. A revoir mardi soir, pour ceux qui ont ou trouveront des places !
Parmi les rares groupes essentiels des années 80 non seulement encore en activité mais surtout toujours pertinents, Depeche Mode figurent en bonne place, disputant même à The Cure une enviable pole position, surtout depuis que leurs vieux rivaux de New Order se sont désunis avec le départ de Peter Hook. Aller prendre régulièrement des nouvelles des héros de Basildon est une quasi nécessité pour tout amoureux de la musique, et ce soir l’Accor Arena semble presque un lieu à taille humaine par rapport aux stades qui accueillent généralement Depeche Mode. Autre raison importante d’être heureux ce dimanche soir, la présence en première partie de Suzie Stapleton, dont l’impressionnant album We Are The Plague a marqué les esprits depuis sa sortie.
19h45 : Suzie Stapleton joue en format power trio ce soir, avec en particulier Gavin Jay à la basse (Jim Jones est d’ailleurs dans les gradins en soutien…), et l’approche très rentre-dedans en live apporte une coloration différente aux morceaux que l’on ne connaissait jusque-là qu’en version intimiste. La guitare distordue de Suzie est énorme, le son très compact du trio ajoute une efficacité sonique et une urgence qui facilitent l’accès aux chansons. Suzie, sombre prêtresse vaguement gothique porte, une robe noire qui semble de dentelle, mais c’est toujours sa voix puissante qui impose immédiatement le respect : la promesse vocale de We Are The Plague est plus que tenue sur scène. Thylacine est le seul titre moins agressif du set de 30 minutes, le break a capella de The River Song fonctionne même dans le cadre démesuré de l’Accor Arena, September nous enchante, et le final sur We are the Plague est littéralement terrible. Le set reçoit un beau succès d’estime, ce qui n’est pas évident dans ce type d’événement. On a hâte de revoir Suzie dans une salle à taille humaine !
20h50 : La scène qui accueille Depeche Mode est décorée à l’arrière par un grand « M » (Pas de « D » en vue… nous serions-nous trompés de date ?) à l’intérieur duquel et derrière lequel auront lieu des projections de vidéos. Le concert démarre dans l’obscurité sur une version très bruitiste de My Cosmos Is Mine, pendant que derrière le quatuor, le « M » semble peu à peu illuminé de coups de pinceaux : c’est intéressant à voir, mais le titre n’est guère attrayant, et, du coup, c’est une introduction peu engageante. Qui ne reflète pas les deux heures dix du set, qui vont au contraire être une sorte de cadeau ininterrompu de la part du groupe à ses fans, avides de morceaux sur lesquels laisser éclater leur joie et leur énergie !
Dès l’intro aux synthés de Wagging Tongue, on retrouve l’univers fascinant du groupe, et la voix de Dave Gahan, toujours aussi belle (peut-être plus encore avec l’âge) fait des merveilles. Dave Gahan, justement, va nous offrir un jeu de scène très séduisant : danseur filiforme aux longs membres ondoyants dont il joue en permanence, derviche tourneur exhibitionniste, showman taquin, provocateur et généreux, il est un superbe spectacle à lui seul, et toute la première partie du set va passer comme une lettre à la poste grâce à son énergie. On peut aussi apprécier l’humour dont les projections témoignent, avec par exemple cette vidéo passablement décalée d’ânes sur une plage tropicale dont on peine à saisir le lien avec la musique (mais on ne la connaît sans doute pas assez !).
Mais c’est le grandiose et synthétique Everything Counts, rescapé des eighties, qui marque le premier grand moment de la soirée, et la montée en puissance d’un set qui ne redescendra plus ensuite. On chante « Happy Birthday » en l’honneur du batteur (qui assure les tournées depuis 1997 !) Christian Eigner, avant un terrible pic d’intensité sur un superbe Precious. Et puis c’est le passage dédié au chant de Martin Gore, qui s’avérera, à notre goût, un moment de grâce absolue : Strangelove et Somebody, de par leur classicisme très britannique, participent de notre ébahissement quand nous réalisons que le groupe a comme « seconde voix » quelqu’un qui a un tel talent et une telle classe !
Ghosts Again, tiré du dernier album, impressionne grâce au clip d’Anton Corbijn qui montre Dave et Martin, portant leur âge de manière visible, jouant aux échecs dans un accoutrement évoquant la Mort dans le Septième Sceau de Bergman : même si tout le concert tient finalement d’une cérémonie servant à conjurer le temps qui a passé depuis les années 80 et 90, Depeche Mode ne sont clairement pas dupes de leurs propres sortilèges. Après ça, I Feel You, très bien reçu par le public en délire, sonne un peu trop grossier, un heavy rock bas du front. Mais tout ce qui va suivre – dix titres, dont quatre en rappel – va être marqué du sceau du génie, finalement assez versatile, du groupe : inutile de parler de chaque morceau, disons seulement qu’on a ressenti l’émotion du bel hommage à Andrew Fletcher qu’a été Behind The Wheel, qu’on a bien chanté sur John the Revelator, qu’on a adoré voir TOUT Bercy balancer les bras de gauche à droite sur la grande célébration qu’est Never Let Me Down Again, et puis, inévitablement, en « grand finale », que Personal Jesus a fini par faire mouche dans une version brutale : eh oui, Johnny Cash ne s’est pas trompé en la reprenant !
Alors, l’avis des vrais fans du groupe, de ceux qui ne manquent jamais un passage de Depeche Mode, sera ensuite unanime : « un groupe bien plus convaincant que lors de son dernier passage au Stade de France », « des musiciens aussi heureux d’être là que nous », « une setlist classique qui offre du plaisir, même si sans réelle prise de risque »…
Nous, moins rompus aux rituels DM, on a vu un groupe fascinant et généreux, qui utilise d’excellentes chansons pour manœuvrer à sa guise un public ravi de l’être (manœuvré) : des professionnels de haut niveau, sans aucun doute, mais dans le bon sens du terme, pour une fois.
On y retourne mardi ?
Texte et photos : Eric Debarnot
Bon article dans l’ensemble. Néanmoins, dire d' »it’s no good » qu’ » on ne la connait sans doute pas assez » ,alors que c’est LE tube qui a marqué la résurrection de DM en 1997! C’est un peu light . je trouve. Tout comme dire que la première partie du set rassemble des chansons moins populaires… mais vous plaisantez ou quoi??? les deux premiers morceaux si vous voulez, mais le troisième c’est « walking in my shoes » qui est toujours le morceau iconique qui lance véritablement leurs shows depuis 1993 , à l’exception du singles tour de 98 et de touring the angel en 2006… A la suite, que des tubes !!!! Moins populaires???!!! Policy of truth , numero 1 à sa sortie dans tous les pays anglophones…
c’est ne pas connaître la carrière du groupe que de dire ça. Sinon je valide tout le reste .
Merci ! Tu as raison, je connais mal la carrière du groupe, je pensais l’avoir précisé un peu en entrée. Désolé pour ces erreurs d’appréciation. Après je me tâte, devrais-je modifier mon article ? Après tout, les fans rectifieront d’eux même, non ?
Il est inexact de dire que New Order se sont désunis après le départ de Peter Hook. Certes ils on perdu un membre très important qui façonnait leur son mais ils restent toujours à la même hauteur artistique (disques et concerts) que leurs homologues eighties The Cure et Depeche Mode encore en activité.
C’est une question d’opinion, donc subjective. Pour moi, ils ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils étaient. Mais bon…
Vous avez bien sûr tout à fait le droit de penser cela cependant pour être tout à fait équitable je vous fait remarquer que The Cure, groupe que j’aime bien aussi, n’a pas plus de pertinence que NO dans la mesure ou ils sont dans une impasse créative depuis plus de quinze ans maintenant ! Alors à comparer les situations des uns avec les autres je ne pense pas que le groupe de Manchester soit en infériorité artistique par rapport à celui de Crawley ou de Basildon.
Cette histoire d’album(s) de The Cure promis depuis plus de dix ans et qui ne sortent pas est en effet très préoccupante. Je me référais plutôt aux prestations scéniques de The Cure qui ont été absolument fantastiques ces dernières années !
Grain de sel personnel : La « situation » discographique de The Cure me fascine et m’attriste en même temps. Robert Smith a apparemment mal vécu l’accueil tiédasse de 4:13 Dream, que les années ont depuis échoué à réévaluer. Il est probable qu’il n’arrive pas à envisager une sortie qui pourrait être la dernière de sa carrière, si la quinzaine d’année devenait la norme d’attente entre deux albums. Sur le plan médiatique, ça peut se comprendre. Un nouvel album de The Cure sera forcément scruté par le cosmos tout entier… mais c’est bien le problème, justement. Plus on recule pour sauter, plus la foule s’amasse pour attendre le plongeon. Sans parler de l’impatience, qui grandit avec le public.
Pour New Order sans Hook… Personnellement, je n’y arrive pas. Je pense que j’aime trop sa façon de jouer de la basse pour accepter son absence. C’est comme si ça créait une déconnexion dans mon cerveau.
Un concert formidable… on a ressenti (comme d’habitude à Bercy) une vraie symbiose entre DM et son public, même une très forte complicité dans le groupe malgré la mort de Fletch. Après l’intro très « dark » et un peu lente de « my cosmo is mine » (sans doute volontaire), chaque chanson déchaînait les foules. A noter une superbe reprise de Black Celebration.