Leur réputation scénique les précédait. Fat Dog sont venus au CentQuatre, ils ont été vus et ils ont vaincu. Au point qu’on laissera en suspens la question de savoir ce qu’un groupe en fusion dans tous les sens du terme peut donner sur la longueur d’un album.
J’était venu voir Fat Dog en espérant un de ces concerts de début de carrière dans lequel un groupe débarqué de nulle part interagit immédiatement avec son public et se donne sans calcul. Un concert comparable à celui donné à guichets fermés par Shame à la Maroquinerie en 2018. Pour cette raison, j’avais regretté de les avoir ratés au Festival Pitchfork. Il faut dire que les vidéos visibles sur Youtube et le live report de leur passage à La Maroquinerie confirmaient l’élogieuse rumeur concernant leurs prestations scéniques. Et ce qui était attendu arriva. Au CentQuatre, les membres de Fat Dog ont prouvé que, pour le moment, sur scène, rien ne pouvait leur arriver.
De fait, même lorsqu’un de leurs musiciens à l’allure de Bad Guy russe de film d’action américain des années 80 fait des intermèdes au second degré facile, le concert ne sombre pas. Il faut dire qu’en interprétant très vite son épique single King of the Slugs, le groupe a vite fait basculer le set dans une autre dimension. Avec une partie des musiciens descendant dans la fosse dès le début du concert, transformant toute la partie proche de la scène en véritable chaudron. Cercle formé autour des musiciens présents dans la fosse et pas pressés de remonter sur scène, slam, pogo… Et il y a la musique, sorte de laboratoire à ciel ouvert croisant du punk, de la new wave, de la techno, quelques tonalités orientalisantes et même un peu de polka. Une approche mettant le groupe côté briton dans la lignée crossover de la scène Madchester, de Hot Chip et Django Django.
Et il y a la dynamique particulière imprimée par le saxophone. Cet instrument qui n’a pas laissé que des bons souvenirs aux mélomanes ayant connu les années 1980. Et qui, après Morphine dans les années 1990, se retrouve donc réhabilité par EggS, Viagra Boys… et Fat Dog. Alors certes le crossover musical de Fat Dog n’a pas (encore ?) la dimension malade de celui des Viagra Boys (groupe dont ils ont assuré la première partie). A l’image de leur frontman Joe Love, aux antipodes de la posture Shaun Gainsbarre d’un Sebastian Murphy. Ce qui n’empêche pas Love de savoir créer une osmose avec le public. Car justement le volcan scénique relègue ce genre de réserve au rang de l’anecdote. Reste la question pas totalement résolue de savoir ce que ça donnerait sur la longueur d’un album. Certes, il y a eu King of the Slugs coproduit par Love et James Ford, sa longueur et ses ruptures. Et dans une moindre mesure le plus court All the same. Rien d’inquiétant mais pas de début de certitudes non plus.
Je ressors donc du set en ayant plus vibré à l’unisson de la moitié avant de la fosse qu’avec des morceaux en mémoire (hors le déjà mentionné King of the Slugs). Avec la sensation paradoxale d’être lessivé par un set pourtant trop court. Mais le temps n’est pas encore à se poser des questions. Et enfin que je sois excusé d’avoir vu trop peu du set des Lambrini Girls sur la même scène pour le chroniquer. Et d’avoir été trop crevé pour tenir au-delà de deux morceaux de celui de Gwendoline, qui succéda aux Londoniens. Anyway Fat Dog made my night.
Texte : Ordell Robbie
Photos : Robert Gil