Alors qu’ils auraient pu se contenter d’assurer le coup pour tranquillement réussir la phase dite de confirmation, les garçons de Yard Act ont préféré opter pour une rupture franche et s’émanciper partiellement de l’étiquette «post-punk» collée sur leur front. Pari risqué mais pari payant ?
Dès leur premier essai en 2022, le convaincant The Overload, Yard Act avaient su se démarquer et imposer une texture sonore originale dans une scène indie-punk UK en révolution permanente. Le groupe portait haut et fort un spoken word et une écriture sociale marqués sur des compositions empruntant autant au rock vindicatif qu’à un esprit léger, humoristique, limite dansant.
Et la suite, Where’s My Utopia ?, de pousser ce curieux curseur encore plus loin en allant recruter un spécialiste de ce genre d’ambiance, Remi Kabaka, batteur de Gorillaz et habitué donc des rythmiques élevées pour leader désabusé au chant désarticulé. L’analogie avec l’univers du groupe virtuel de Damon Albarn est de facto assez frappante à l’écoute de ce disque où l’on retrouve bons nombres d’éléments communs.
Plus pop dans sa forme, ce second LP fait appel à une orchestration bien différente. Des cordes et des chœurs parsèment le premier titre, An Illusion, et ce tandem sera un fil rouge présent un peu partout par la suite. Tentative trip-hop ou trip hip-hop, c’est selon, sous petites doses de scratches pour Down By The Stream et au titre suivant, The Undertow, d’embrayer sur des guitares enfin un peu plus énervées, relayées par des nappes de synthés. Si The Undertow n’est pas le morceau le plus inspiré du lot, il reste un exemple significatif du virage musical opéré par le band originaire de Leeds… Mais que dire alors des explorations carrément dance-rock, voire disco, que sont deux des singles, We Make Hits, et surtout Dream Job ? C’est festif, calibré dancefloor, et, plus important encore, aussi improbable qu’irrésistible.
L’exercice n’est tout de même pas sans risque, et il est de l’ordre du possible que tout ce manège puisse chagriner certains esprits. Il n’est en effet pas certain que l’amateur de tabassage d’instruments s’amourache d’un When the Laugher Stops que l’on pourrait croire tout droit sorti d’un disque de Kylie Minogue. Ces changements de cap incessants, bavant d’effets, peuvent légitimement fatiguer et rendre le tout légèrement décousu. Là encore, un point commun avec Gorillaz, notamment sur les ultimes compilations albums…
Pour trouver trace d’un esprit punk c’est vers la gouaille contestataire et l’interprétation de James Smith qu’il faut se tourner. Encore inspiré, le leader jouit d’un charisme intact ici, impeccablement à l’aise peu importe l’anarchie musicale dans laquelle ils décident de se foutre d’un morceau à l’autre. Ses mots trouvent autant d’impact dans sa façon de les déclamer qu’ils en ont intrinsèquement à l’écrit, et restent l’une des principales forces de Yard Act. Les deux titres clôturant le disque, l’introspectif et sombre Blackpool Illumination, ainsi que A Vineyard for the North et son message plus positif, ont chacun quelque chose de touchant dans des ambiances pourtant diamétralement opposées. Preuves que l’ADN du groupe demeure inaltéré, peu importe la forme autour, ce qui reste un marqueur d’identité fort.
Ce second disque est une illustration concrète de l’originalité de Yard Act. Fourmillant d’idées, s’affranchissant des us et coutumes, quitte à être casse-gueule, cet opus trouvera peut-être le salut dans un possible succès commercial qui viendrait conforter le quatuor britannique comme l’une des figures contemporaines qui comptent.
Alex de Freitas
Yard Act – Where’s my Utopia ?
Label : Island Records
Date de sortie : 1 mars 2024
virage a 360 degrés ? donc on continue dans la même direction ?
un demi tour c’est 180…
Bien vu !