Guerres, climat, complots, défiances tout azimut, infos anxiogènes. On vit une drôle d’époque n’est-ce pas ? Si vous n’avez plus aucun espoir en l’être humain, et que vous souhaitez juste noyer votre frustration dans la musique et/ou l’alcool, alors Gwendoline est fait pour vous. Fervents défenseurs de la start-up nation, passez votre chemin…
Cirés noirs sur le paletot, ciel couvert, couleurs grisâtres, tout suinte la Bretagne si chère à Gwendoline sur la cover de C’est à moi ça. Une morosité propre au duo que l’on retrouve pendant les quarante minutes de ce second album, devant faire suite au succès underground d’un premier essai (Après c’est gobelet) pourtant pas destiné à tel écho à la base. Il faut dire que la musique de Pierre Barrett et Mickaël Olivette ne peut laisser indifférent, quelle que soit notre grille de lecture et ses sensibilités. Des textes grinçants, cyniques, politiques, déclamés / slamés avec désenchantement sur des compositions new-wave et rock très ancrées 80’s. Certains diront la bande son parfaite de la Fête de l’Huma’. Pas faux.
Et cet état d’esprit « aimez-nous ou détestez-nous, on s’en carre » est totalement assumé, voire même une marque de fabrique exploitée à l’extrême. D’où cette binarité c’est top/c’est nul selon les oreilles dans lesquelles ce disque sera placé. Pas vraiment de place pour la nuance ici, eux-mêmes n’en ont guère à vrai dire. Avec des « C’est plus la peine de regarder autour, tout va crever dans dix ans », « je sais pas ce qui m’fait le plus peur entre mourir ou voir la suite », on n’est clairement pas porteur d’espoir. L’ambiance est posée directement sur l’introduction Conspire, sa boucle oppressante, militarisée et ses paroles à prendre à contre-sens.
Tout le monde ou presque en prend pour son grade. Le name-dropping est long, on tape autant sur le patron que sur le beauf’, sur l’héritier que sur l’employé lambda, sur la télé poubelle que sur les autorités, les politiciens que sur les propres existences ratées des deux protagonistes. Mais derrière la provoc’ bistro-populo, il y a quand même une qualité d’écriture indéniable. Un regard très acerbe, amer sur le monde qui nous entoure, l’aspect récit quotidien pourri de la classe moyenne ou prolo est d’une justesse aussi drôle que terriblement angoissante (Clubs, Merci la Ville, Palace Meetic, Parce que j’ai rêvé d’être riche). Ceci étant, le côté à la shlag peut aussi avoir ses travers et Gwendoline touchent parfois ses propres limites avec des passages moins inspirés, trop faciles, comme Héros National par exemple.
Au delà des paroles et cet humour un brin potache franc du collier, il y a une mise en musique plus sophistiquée qu’il n’y parait, qui vient donner un relief très intéressant. Ces notes de synthés dark, ces boites à rythmes provoquent une furieuse envie de bouger, de danser la tristesse environnante, enivrante. On n’est pas loin des envolées stéréotypées du top 50 d’antan, sur la rencontre fortuite du punk avec la parodie de Partenaire Particulier/Indochine par les Inconnus. Il y a quelque chose d’entêtant, d’une efficacité pop désarmante où l’on a juste envie de jeter en l’air notre bière chaude pour crier sur les hymnes à la débauche que sont Rock 2000 ou Pinata, tout en essayant de décoller nos semelles de ce sol visqueux du troquet miteux du coin.
Poils à gratter désopilants pour certains, irritants pour d’autres, les deux Rennais ont au moins le mérite de mettre un coup de pied dans la fourmilière. Il est plus facile de dénoncer et critiquer que de proposer, il est vrai. Mais parfois, juste évacuer sa frustration gratuitement, à la rage, ça fait aussi du bien.