Alors que le monde s’est effondré, Stephen Graham Jones et Davide Gianfelice imaginent une mission de la dernière chance : tuer Christophe Colomb !
Notre monde s’écoulera en 2112 ; ce qui, pour les plus inquiets d’entre nous, peut apparaître comme une bonne nouvelle. Issue de différentes tribus, une poignée d’Indiens a survécu à l’effondrement dans un désert américain. Ils découvrent une grotte qui autorise des voyages dans le temps et, semble-t-il, dans l’espace. Sagement, le scénario ne nous donne pas d’explication sur l’origine du phénomène.
Nos héros estiment que le mal qui a emporté la planète est né aux États-Unis. Or, avant de saccager notre planète, les Blancs ont détruit la société amérindienne. Ce mal a donc connu un début, il prend son origine dans l’exploit de Christophe Colomb. Ils conçoivent une mission de la dernière chance : tuer le plus fameux des conquistadors. Démoralisés, ses compagnons feront certainement demi-tour. Or, Tad est polyglotte : lui seul saura se faire passer pour un marin espagnol du XVe siècle. Courageux, il accepte ce voyage sans retour.
Pour monter à bord de l’une des trois fameuses caravelles, Tad tue froidement un matelot et prend sa place. Dès les premières pages, le cas de conscience est posé : la fin justifie-t-elle les moyens ? Dans un cadre plus littéraire, le sujet a jadis été abondamment traité par Fiodor Dostoïevski.
Le scénario de Stephen Graham Jones est diaboliquement malin. Non seulement Tad est confronté à sa culpabilité, mais il doit affronter l’hostilité croissante des marins, puis la résistance d’un univers rétif au changement. Qui a tué… tuera. Tad se prend en jeu. Se muant en un très contemporain slasher, la première transatlantique de l’Histoire prend des aspects imprévus. Au même moment, dans leur désert, les Indiens semblent, eux aussi, jouer avec le temps. Afin de démêler les fils des différentes intrigues, l’album mérite une seconde lecture.
Le dessin de Davide Gianfelice est conforme aux standards actuels des comics. Il associe un trait réaliste et rapide, des expressions légèrement surjouées et une colorisation accentuant les scènes de combat. Curieusement, le personnage le mieux traité est Christophe Colomb ; bien que présenté comme un dévot, il ne manque pas de charisme. Sacré Colomb !
Stéphane de Boysson
Earthdivers, tome 1 : À mort, Christophe Colomb !
Scénario : Stephen Graham Jones
Dessins : Davide Gianfelice
Éditeur : Black River
184 pages – 18,90 €
Sortie : 11 janvier 2024
Earthdivers, tome 1 – Extrait :